Revisiter des souvenirs douloureux à partir d’une position d’observateur réduit l’intensité des émotions et modifie la dynamique du cerveau.
Cet article apporte un début de validation clinique et neuroscientifique au processus PNL de double dissociation V/K et au processus RTM (Reconsolidation of Traumatic Memories) utilisé dans le traitement du Syndrome de Stress Post Traumatique
Le texte ci dessous est traduction d’un article de Christopher Bergland sur Psychology Today « The Neuroscience of Viewing Your Past Like a Fly on the Wall. Recalling memories from a 3rd-person visual perspective changes brain dynamics. »
« Il y a environ un an, j'ai présenté l'hypothèse de Peggy St. Jacques selon laquelle le fait de retrouver des souvenirs autobiographiques à partir de la position d’une troisième personne, c’est-à-dire la perspective d'un observateur (par opposition au fait de revivre un souvenir à travers son propre regard) peut influencer la vivacité de ses souvenirs. En décrivant la signification de ses théories sur la mémoire l'année dernière, Mme St. Jacques a déclaré dans un communiqué de presse d'août 2019
"Voir les souvenirs à la troisième personne tend à réduire la vivacité de cette expérience, ainsi que la quantité d'émotion que nous ressentons. Notre système mnésique est très dynamique et flexible. Notre capacité à réviser nos souvenirs nous permet de grandir et de changer la façon dont nous nous percevons et dont nous percevons nos expériences. Par exemple, en changeant notre perception d'un souvenir préoccupant, nous sommes capables d'apprendre et d'avancer, en aidant par exemple ceux qui souffrent de stress post-traumatique".
Mme St. Jacques a obtenu son doctorat en psychologie et en neurosciences à l'université de Duke et elle est actuellement professeur adjoint au département de psychologie de la faculté des sciences de l'université d'Alberta au Canada. Elle est également la fondatrice et la directrice du laboratoire "Memory for Events".
L'article de l'année dernière (St. Jacques, 2019) a examiné comment le changement de perspective visuelle d'une personne peut influencer l'encodage et la récupération de la mémoire. Il a également fourni quelques premiers éléments de preuves fondés sur des explications neuroscientifiques "sur le rôle de la perspective visuelle dans le remodelage des souvenirs et sur la façon dont l’adoption d’une perspective visuelle à partir de nouveaux points de vue repose sur des processus constructifs similaires au cours de l'imagination". Cet article, intitulé "A New Perspective on Visual Perspective in Memory", a été publié en ligne le 12 juillet 2019 dans la revue Current Directions in Psychological Science.
Jacques et Heather Iriye ont maintenant publié une étude de suivi basée sur l'IRMf : "Comment la perspective visuelle influence la dynamique spatio-temporelle de la récupération de la mémoire autobiographique". Iriye a mené cette recherche dans le cadre de son doctorat à l'Université du Sussex au Royaume-Uni ; actuellement, elle est boursière postdoctorale à l'Institut Karolinska en Suède. Leurs récentes conclusions (Iriye & St. Jacques, 2020) sont publiées dans le numéro d'août de Cortex.
Jacques et Iriye ont découvert que l'adoption d'une perspective visuelle à la troisième personne, semblable à celle d'un observateur, lors du rappel de souvenirs autobiographiques, modifie la connectivité fonctionnelle entre les différentes parties du cerveau, par rapport à la situation dans laquelle une personne retrouve un souvenir à la première personne avec ses propres yeux. Plus précisément, les chercheurs ont découvert que le fait d'adopter la perspective visuelle d’une « mouche sur le mur » en se souvenant de son passé entraînait des interactions plus robustes entre l'hippocampe antérieur et le réseau médian postérieur. Comme l'expliquent les auteurs :
"Nos résultats démontrent que l'adoption d’une perspectives d’observateur avec ses propres yeux lors des rappels de souvenirs autobiographique est corrélée avec des modèles distincts d'interactions hippocampique-néocorticales associées à un recrutement différentiel du réseau de rappel de la mémoire autobiographique pendant les périodes de rappels ultérieurs, soutenant ainsi le rôle central de la perspective visuelle dans la reconstruction du passé personnel".
"Notre perspective [visuelle] lorsque nous nous souvenons, modifie les régions du cerveau qui soutiennent la mémoire et les interactions conjointes entre ces régions du cerveau ", a déclaré M. St. Jacques dans un communiqué de presse d'août 2020. "Ces résultats contribuent à un ensemble croissant de recherches qui montrent que le rappel des souvenirs est un processus actif qui peut biaiser et même déformer nos souvenirs".
Se remémorer son passé à partir de la troisième personne semble exiger une connectivité plus fonctionnelle entre les régions du cerveau utilisées pour recréer les images mentales d’un l'œil mental et peut adoucir des détails spécifiques conservés dans une mémoire autobiographique.
A titre anecdotique, j'ai l'impression que recadrer la façon dont on choisit de voir les expériences négatives de l'enfance (adverse childhood experiences or ACEs) au travers de l'œil de son mental pourrait être un moyen de réduire les symptômes du SSPT et de favoriser la croissance post-traumatique. (Voir "8 raisons fondées sur la recherche pour lesquelles je teint en rose certains souvenirs d'enfance")
St Jacques spécule que choisir d'adopter une perspective d'observateur lorsqu'on se rappelle son passé pourrait avoir une valeur thérapeutique. En conclusion, elle a déclaré "Cela peut être un moyen efficace de traiter les souvenirs troublants en observant le passé à distance et en réduisant l'intensité des émotions que nous ressentons".
Références citées par Christopher Bergland
Heather Iriye and Peggy L. St. Jacques. "How Visual Perspective Influences the Spatiotemporal Dynamics of Autobiographical Memory Retrieval." Cortex (First available online: May 25, 2020) DOI: 10.1016/j.cortex.2020.05.007
Peggy L. St. Jacques "A New Perspective on Visual Perspective in Memory." Current Directions in Psychological Science (First published online: July 12, 2019) DOI: 10.1177/0963721419850158