Impact des croyances religieuses sur la mortalité 

Impact des croyances religieuses sur la mortalité 

« Je préfère mourir après les fêtes » Deux études épidémiologiques réalisées en Californie montrent l’impact des croyances religieuses Juives et Chinoises sur un report de mortalité. 

Les études d’épidémiologie recherchent classiquement à évaluer l’impact des caractères physiques, chimiques et biologiques de l’environnement, ou plus rarement l’impact des facteurs culturels négatifs (licenciement, divorce, retraite, deuil) sur la mortalité d’une population. Il y a par contre peu d’études épidémiologiques sur l’impact médical des événements positifs de la vie. Phillips et King se sont demandés si des personnes étaient capables de prolonger leur existence jusqu’à ce que se produise un événement de portée symbolique répondant à deux critères : (a) l’événement est très important pour un groupe et peu important pour un autre (ce qui permet de faire une comparaison entre un groupe témoin et un groupe expérimental), (b) l’événement n’a pas de date fixe sur le calendrier grégorien (ce qui permet de distinguer l’effet de l’événement et les variations mensuelles fixes de la mortalité). Deux événements symboliques ont pu répondre à ces critères : la Pâque juive et la fête chinoise " de la moisson et de la Lune " et ont fait l’objet de recherches sur la population Californienne et de publications dans deux revues distinctes. 

Je préfère mourir après la Pâque juive 

L’étude de Phillips et King publiée dans le Lancet en 1988 (1) a cherché à déterminer si la mort pouvait être reportée à une date ultérieure à un événement social important.  La Pâque a été choisie pour l'étude parce qu'elle permet de comparer les groupes participants et non participants (contrôle), et qu'elle se déplace dans le calendrier (permettant ainsi de séparer les effets de la fête des effets des saisons). Le nombre de décès avant et après la fête juive de la Pâque (1966-84) a donc été comparé. Dans l'échantillon total de Juifs (n= 1919), le nombre de décès était significativement inférieur à celui prévu dans la semaine précédant la Pâque et supérieur à celui prévu dans la semaine suivante. Ce pic de mortalité était significativement concentré chez les personnes portant un nom de famille juif sans ambiguïté, et n'apparaissait pas dans les différents groupes de contrôle, y compris les Noirs, les Orientaux et les enfants juifs. Le schéma était le plus prononcé dans les années où le jour férié tombait un week-end, lorsqu'il est le plus susceptible d'être célébré par le plus grand nombre de personnes. 

Les auteurs de cette étude ont démontré que la mortalité de la communauté juive diminuait nettement juste avant la Pâque et augmentait d'un degré équivalent dans les jours qui suivaient. Après avoir cherché d’autres explications aux résultats, Phillips et King en ont conclu que certains Juifs étaient capables de prolonger brièvement leur existence jusqu’à la fin de la fête juive. Si ces résultats étaient statistiquement significatifs ils n’ont cependant pas été reproduits.

Je préfère mourir après la fête de la lune

Pour reproduire l’étude sur la Pâque juive, Phillips et King ont cherché un événement répondant aux deux critères mentionnés plus haut mais qui concernait un autre groupe culturel et un autre groupe génétique et qui avait lieu au cours d’une autre saison. La fête de la lune (FDL) semblait un événement répondant aux critères, car elle n’a pas de date fixe sur le calendrier grégorien et elle est importante pour un groupe mais pas pour un autre. La FDL est l’occasion d’un repas de fête avec des plats traditionnels pris au domicile avec la famille proche. La doyenne du foyer se charge de préparer un repas raffiné avec l’aide de ses filles et belles-filles. Bien que délaissée ces derniers temps par la nouvelle génération, la FDL reste une fête importante du calendrier chinois.

L'étude a porté sur les certificats de décès informatisés de la population chinoise de Californie entre 1960 et 1984, décès comparés à la mortalité des deux groupes témoins, un groupe de sujets juifs et un autre constitué de tous les morts survenus à la même période en Californie, à l'exception des juifs et des Chinois. Les résultats de l'étude publiée dans la revue Jama en 1990 (2) montrent que 33 décès (contre 50 prévus) ont eu lieu dans la communauté chinoise la semaine précédant la fête. A l'inverse, ils ont recensé 70 décès (contre 51 prévisibles) dans la semaine qui suivit.

Les auteurs concluent que dans la population chinoise concernée, la mortalité diminue de 35 % dans la semaine précédant la fête et augmente de 35 % au cours de la semaine suivante. "Le stress et la suralimentation associés à la fête pourraient rendre compte du pic de mortalité enregistré immédiatement après, mais ils ne permettent d'expliquer ni les taux anormalement bas de mortalité, d'amplitude équivalente, observés avant, ni la spécificité de l'effet pour les personnes jouant un rôle cérémoniel. " Il apparaît en effet que ce sont avant tout les femmes chinoises âgées qui "retardent" la date de leur décès. Ce phénomène n'est nullement retrouvé dans les deux groupes témoins.

Sources

Death takes a holiday : mortality surrounding major social occasions ; Lancet ; DavidP.Phillips and ElliotW.King ; Volume 332, Issue 8613, 24 September 1988, Pages 728-732, https://doi.org/10.1016/S0140-6736(88)90198-5

Postponement of Death Until Symbolically Meaningful Occasions, David P. Phillips, PhDDaniel G. Smith, MBA, JAMA. 1990;263(14):1947-1951. doi:10.1001/jama.1990.03440140073034 ; https://jamanetwork.com/journals/jama/article-abstract/381345 ;
traduction Française :  http://www.le-cercle-ethique.fr/resources/Autres-Articles/PHILIPS.SMITH.1990.CEFAMA.pdf