Qui sont les coachs de santé et quelles sont leurs compétences ? Pour répondre au mieux à ces questions, il est nécessaire de définir ce qu’est ce métier de coach de santé, de circonscrire son champ d’action, de clarifier les rôles et enfin de préciser les compétences clés associées à la pratique de cette fonction ou pour certains de ce métier. Les publications scientifiques sur la pratique du coaching de santé, maintenant assez nombreuses, font états des évaluations des pratiques de coaching réalisées principalement par des professions médicales, tout en démontrant bien que les compétences utilisées en matière de coaching sont à l’opposé de celles mises en œuvre dans une pratique clinique.
Et l’enjeu majeur des formations au coaching de santé des professionnels de santé est le passage d’une posture habituelle de directivité, à celle de non directivité. C’est pour certains professionnels, un véritable changement de paradigme dans la manière d’aider un patient à réaliser ses objectifs de santé.
Le coaching de santé est une pratique qui dans les revues scientifiques, est positionnée à l’intersection de deux domaines d’expertise, chacun d’eux étant en mesure de revendiquer une certaine exclusivité de la pratique. La perspective « Santé » du coaching de santé est celle des médecins qui ont analysé des centaines de publications relatant principalement la participation de professionnels de santé. La perspective « Coach » fait avant tout référence aux travaux de recherches sur les sciences cognitives, le changement de comportements et le coaching de performance. Quel que soit le statut du professionnel qui exercera cette fonction de coach de santé, cette situation paradoxale en termes de compétences ou d’expertises, invite clairement à une nécessaire collaboration entre des experts en matière de santé, des experts du changement humain, et des patients qui sont les seuls experts possibles de leur propre vie.
Les enjeux du coaching de santé sont importants. Car l’explosion des maladies chroniques évitables associée à des styles de vie malsains fragilisent grandement les capacités médicales, humaines, économiques et sociales des systèmes de santé. Les modèles de prise en charge des maladies doivent donc évoluer vers une plus grande responsabilisation des patients dans la prévention et la gestion des maladies chroniques. Pour de nombreux auteurs, le coaching de santé et de bien-être apparaît comme une des réponses appropriées, le chaînon manquant entre la vision du monde médical et la vision du monde de ceux qui sont les principaux bénéficiaires de ces soins, c'est-à-dire le patient.
Cet article a pour but de mieux cerner les compétences clés des coachs de santé. Cette clarification du champ des compétences des coachs de santé est récente, car cette profession est nouvelle, bien qu’en fort développement dans des pays comme les USA, le Royaume Uni et l’Australie. Pour cela j’utilise comme sources, d’une part les méta analyses réalisées sur la fonction de coach de santé (1), et d’autre part des rapports des expériences de coaching de santé menées récemment au Royaume Uni avec le soutien du National Health Service (2, 3). Pour conclure cet article je souhaite donner une perspective transformative du coaching de santé et citer les qualités et compétences spécifiques qui lui correspondent.
Une analyse de la littérature scientifique
Nous faisons ici référence aux travaux de Ruth Q Wolever, et coll (1) qui ont effectué une méta analyse de la littérature médicale portant sur plus de 200 articles évalués par des pairs.
Définir le coaching de santé
Pour les auteurs, une définition consensuelle du coaching de santé et de bien-être doit permettre : a) de préciser les contours conceptuels et opérationnelles du coaching de santé et bien-être ; b) de clarifier les compétences professionnelles requises pour former adéquatement les coachs de santé et bien être –être ; c) d’évaluer plus rigoureusement l'efficacité et l'efficience du coaching en matière de santé et de bien-être.
L’analyse exhaustive réalisée par les auteurs révèle, au-delà des éléments de variabilité, d’une part des domaines émergents de consensus, et d’autre part des domaines qui nécessitent des éclaircissements complémentaires pour aller de l'avant. Les composantes consensuelles, conceptuelles et interventionnelles du coaching de santé et mieux-être sont celles-ci :
le coaching de santé est « une approche centrée sur le patient dans laquelle les patients déterminent au moins partiellement leurs objectifs, utilisent la découverte de soi ou des processus d'apprentissage actif en même temps qu’un contenu éducatif pour atteindre leurs objectifs, et auto contrôlent leur comportement pour accroître leur responsabilité, le tout dans le contexte d'une relation interpersonnelle avec un coach.
Le coach est un professionnel de la santé formé à la théorie du changement de comportement, aux stratégies de motivation et aux techniques de communication, qui sont utilisées pour aider les patients à développer une motivation intrinsèque et à acquérir les compétences nécessaires à la création d’un changement durable et à l’amélioration de leur santé et leur bien-être ».
Les points clés de cette définition du coaching de santé et de bien être se rapportent à un processus :
- centré sur le patient.
- avec des objectifs définis par les personnes (et non prescrits par le clinicien).
- avec la participation active du patient qui est considéré comme un apprenant actif dont le propre processus de découverte de soi est soutenu pour résoudre les problèmes, surmonter les défis et négocier les obstacles à la réalisation des objectifs.
- faisant appel à des mécanismes spécifiques pour soutenir la responsabilité du patient dans le changement de comportement (avec diverses techniques d'auto contrôle et de relation au coach).
- dans le contexte d'une relation constante et continue avec un coach qui est une personne humaine désignée pour jouer un rôle défini.
La définition du coaching de santé qui se dégage des documents évalués par les pairs est conforme à l'évolution des connaissances en matière de science de la motivation et aux fondements psychosociaux d'un changement durable de comportement. Il est en effet bien démontré que les changements de comportements et l'apprentissage sont plus fiables lorsqu'il existe une relation d'aide qui (1) reconnaît l'individu, (2) est collaborative, et (3) encourage l'apprentissage actif. Le coaching en santé et bien-être considère donc les patients comme des apprenants permanents dont les valeurs personnelles individuelles et les ressources internes peuvent être développées dans le contexte d'une relation de soutien pour les guider vers leur propre vision de la santé.
Pour Ruth Q Wolever, et coll (1) cet examen systématique constitue un progrès mais souligne qu’un tiers des articles ne décrivent pas les méthodes de coaching réellement utilisées, ce qui rend impossible l'évaluation ou la reproduction complète de processus spécifiques. Et peu d'articles apportent une information sur la durée du coaching.
Le profil du coach de santé
Dans les revues scientifiques un consensus se dégage sur le fait que le coach de santé est un « professionnels de santé » ayant reçu une formation spécifique de coaching. L’analyse des études font cependant apparaître une très grande variété de profil que les auteurs ont classé en six groupes : 1) les professionnels de santé (p. ex. médecins, infirmières, pharmaciens), 2) les professionnels paramédicaux (p. ex. diététiciens, psychologues, travailleurs sociaux, physiothérapeutes, assistants médicaux, ergothérapeutes et physiologistes du sport), 3) les autres professionnels de santé (p. ex, les éducateurs en santé, les étudiants en médecine ou dans des domaines connexes), 4) les coachs professionnels (p. ex., santé, mieux-être, vie), 5) divers prestataires mentionnés mais non qualifiés (p. ex. deux coachs ou plus provenant de deux ou plusieurs milieux professionnels) et 6) aucune information fournie. Pour les auteurs, le constat est qu’à l’heure actuelle, rien ne semble arrêté sur le profil professionnel des coachs de santé.
Lorsque le contenu des formations des coachs est décrit, il fait référence aux compétences théoriques et pratiques en matière de changement de comportement, et à des séances d'informations sur la santé. Seuls 50 % des articles décrivent le contenu de la formation des coachs, ce qui pose des difficultés de standardisation des approches, d’évaluations du résultat de ces approches, et de reproduction de ces approches.
Si les auteurs considèrent que les données ne permettent pas à ce jour de définir des standards précis permettant de valider le niveau de compétences des coachs, ils trouvent cependant dans la définition consensuelle de ce qu'est le coaching de santé et bien-être, une extrapolation des compétences clés des coachs, avec une réserve cependant sur l’impact réel de ces compétences sur les résultats en matière de santé. Voici les exigences qui émergent pour la formation des futurs coachs de santé :
L’acquisition d’un modèle de changement centré sur le patient. Faciliter le processus de changement personnel du patient, sans recours aux directives.
Etablir des relations qui permettent au coach de comprendre les valeurs, les motivations, les ressources et les obstacles spécifiques au processus de changement du patient, et doivent aussi avoir la capacité à restituer leur compréhension de manière efficace.
La définition des objectifs des patients. La capacité à aider les patients à identifier leurs propres objectifs de changement, des objectifs importants pour la personne et réalisables.
L'utilisation d'un processus d'auto-découverte . Faciliter le travail des patients dans l’atteinte de leurs objectifs au travers d’une exploration de soi et d’un processus d'apprentissage actif, plutôt que par la dictée de ce qui doit être fait.
Le développement de la responsabilisation du patient. Faciliter l’auto responsabilisation et l’autonomie des patients dans la surveillance de leurs progrès.
Au total et pour être en mesure d’aider leurs patients, les coachs doivent donc avoir des compétences dans ces quatre grands processus en matière de changement.
Les coachs doivent également acquérir une attitude non directive et des compétences interpersonnelles permettant l’intégration des informations se rapportant au contenu du processus de changement du patient. Cette attitude non directive s’oppose à celle de directivité fréquemment utilisée par les cliniciens. Ces compétences exigent non seulement de multiples capacités en communication et en stratégies d'autonomisation, mais aussi une position cohérente de la part du coach. Car ce dernier doit être en mesure de soutenir plusieurs choses à la fois : suivre le programme du patient, le convaincre qu’il est plein de ressources et capable d’apprendre tout au long de sa vie, le guider vers des décisions de santé pertinentes sans avoir à le conseiller, et tout en respectant l’expertise des patients à propos de ce qui peut le mieux fonctionner dans leur propre vie.
Pour les auteurs il est essentiel de noter que le modèle d’intervention des coachs de santé constitue un paradigme par rapport au modèle d’intervention de la médecine conventionnelle. Les interventions habituelles de prise en charge des maladies font appel à des professionnels de santé qui ne valorisent pas nécessairement l'autonomie des patients, qui n'ont peut-être pas une formation adéquate en sciences du changement de comportements et qui ne possèdent peut-être pas les compétences interpersonnelles complexes pour faciliter efficacement le changement de comportement. De ce fait, les personnes formées au modèle médical conventionnel auront une plus grande tendance à utiliser des approches fondées sur leur expertise, l'expression d’une autorité et la délivrance de conseils, plutôt qu’adopter des démarches validées par les recherches les plus récentes en matière de modèles de changements comportementaux.
Les auteurs concluent sur la nécessité d’une formation spécifique pour acquérir les compétences clés et d’une accréditation des coachs pour que ces derniers soient en mesure d’apporter des prestations conformes à celles de la définition consensuelle du coaching de santé et bien être.
L’expérience Britannique du coaching de santé
Sous le nom de Health Coaching Coalition se retrouvent un ensemble d'organisations et d'individus unis dans leur volonté d'améliorer l’efficacité des échanges entre les professionnels de santé du Système de Santé Britannique (National Health Services) et les personnes en quête de soins, leurs familles et leurs communautés. Ce projet avait pour but de permettre aux patients de s'épanouir en se sentant plus motivés, plus confiants et maîtres de leur santé et de la gestion de leurs soins. Le coaching de santé a été perçu comme une stratégie clé pour combler cet écart parfois important entre les attentes des professionnels de santé et celles des patients ou de leurs familles.
Au Royaume-Uni, ou le coaching de santé est considéré comme une innovation, les Drs Newman et McDowell ont été les premiers à avoir mis en place en 2010 et 2011, un projet pilote de formation de coaching de santé pour des professionnels de santé. Les premières évaluations ayant été très concluantes, le Health Education East of England (HEEoE) a décidé d’étendre le programme pilote de formation au coaching de santé à tout l’Est de l'Angleterre.
Nous faisons référence ici aux deux documents publiés, les résultats intermédiaires du projet pilote de 2014 et le projet final publié en 2016.
Dans ces projets, les compétences en coaching de santé sont conçues pour compléter les soins cliniques lors de la consultation habituelle d'un patient. Le rapport souligne le fait que si les professionnels de santé ont été les bénéficiaires de la formation au coaching de santé, les compétences en coaching de santé peuvent être utilisées par de nombreux professionnels, qui ne sont pas directement concernés par les soins.
Le rapport montre aussi que les principaux bénéficiaires du coaching de santé sont ceux qui ont le plus besoin d'un changement de style de vie, et ceux qui souffrent d’une ou plusieurs pathologies chroniques. Nous empruntons à ces rapports quelques données se rapportant à la formation des coachs de santé.
Des postures bien distinctes
Le rapport souligne l’écart important pouvant exister entre les postures et compétences du soignant et de celles du coach de santé. (Adapté de McDowell A, 2014)
Approche traditionnelle | Approche du coaching de santé |
Le clinicien est l'expert du soin | Le patient est l'expert de sa propre vie |
Les décisions sont celles du clinicien | Les décisions sont collaboratives, patient-clinicien |
Le patient est instruit de ce qu'il doit faire | Le patient trouve ses propres solutions |
Le patient croit que c'est le rôle du clinicien de le soigner | Le patient croit qu'il a un rôle actif à jouer dans le changement pour améliorer sa propre santé. |
Le clinicien fixe et évalue les objectifs de santé | Le patient définit et évalue ses propres objectifs. |
Le clinicien dicte le changement du patient | Le coach facilite le changement du patient |
Les facteurs de motivation extrinsèques | Les facteurs de motivation sont intrinsèques |
Les obstacles psychologiques au changement ne sont pas pris en compte | Les obstacles psychologiques au changement sont pris en compte |
Les résistances au changement sont accrues | Les résistances au changement sont réduites |
Le projet pilote de formation au coaching de santé ?
Les rapports font état des mesures mises en œuvre pour la formation des coachs de santé, qui ont été principalement des professionnels de santé. La durée de la formation a été de deux jours, une durée considérée comme suffisante à l’acquisition des théories, des pratiques et d’un changement de posture. Le programme de formation portait sur les points suivant :
- Utiliser l’écoute active des patients et établir un climat de confiance et d'établir un rapport.
- Utiliser des questions efficaces pour sensibiliser les gens et leur offrir un soutien stimulant.
- Appliquer une gamme d'approches directives et non directives de la communication(Figure ci dessous).
- Mettre en œuvre les niveaux d'activation du patient, de motivation et de préparation au changement.
- Comprendre le comportement des patients, la façon dont ils se renseignent sur leur santé et les obstacles au changement (cognitif, émotionnel, comportemental, etc.)
- Faciliter l’auto détermination des objectifs avec les patients afin d'encourager leur motivation.
- Utiliser des techniques spécifiques de changement de comportement à utiliser dans diverses circonstances.
- Utiliser des approches qui mettent l'accent sur les forces et les émotions positives des patients.
La pédagogie devait s’appuyer sur l’utilisation d’un style de coaching très expérientiel et hautement interactif pour produire les résultats attendus.
Comme nous pourrons le voir dans un autre article, cette formation de deux jours a produit des résultats extrêmement favorables
Gamme d'approches directives et non directives de la communication (Adapté de McDowell A, 2014)
Directivité : dire ou pousser ; vouloir résoudre les problèmes des patients en proposant des ressources cliniques et expériences.
Non directivité : demander ou écouter; Faciliter la résolution des problèmes par les patients en accédant à leur ressources et expériences.
Une combinaison de trois domaines de compétence
Pour les auteurs des rapports, une formation efficace de coach de santé doit intégrer un éventail de compétences et de principes tirés de trois disciplines de base : la psychologie et les sciences du changement des comportements, le coaching de performance et de développement et les compétences cliniques (ou l'expérience vécue si un pair).
1 - La clinique : les savoirs et compétences en matière de santé
Exemples : Connaître la démarche de consultation médicale, établir la relation, faire un diagnostic, écouter et questionner ; résoudre des problèmes, faire des recommandations en matière de santé.
2 - La psychologie : la psychologie de la santé et de la médecine comportementale
Exemples : théorie du changement comportemental ; théorie de la cognition sociale ; méthodes d’activation du patient ; Entretiens motivationnels ; Psychologie positive ; Perception consciente ; Thérapie Cognitivo-Comportementale.
3 - Coaching de performance : les techniques du coaching de performance
Exemples : détermination d’objectifs ; Modèles de coaching ; Compétences de coaching ; Sensibilisation et responsabilité ; Se concentrer sur le potentiel et l'émergence ; Associer relation et défis ; Evaluation des résultats.
Une définition consensuelle du coaching de santé
Le rapport de 2016 apporte une définition consensuelle du coaching de santé, qui a été obtenue en 2013 à partir de la synthèse de 284 études. Cette définition reprend celle citée par Ruth Q Wolever, et coll (1) et souligne également l'évolution des rôles du clinicien et du patient pour mener à bien un processus de coaching de santé.
Le coaching de santé est : « une approche centrée sur le patient dans laquelle les patients déterminent au moins partiellement leurs objectifs, utilisent la découverte de soi et les processus d'apprentissage actif ainsi que l’éducation d’un contenu pour atteindre leurs objectifs, auto contrôler leurs comportements pour accroître leur responsabilité, le tout dans le contexte d'une relation interpersonnelle avec un coach ». (Wolever, 2013)
Le rôle du coach : « Le coach est un professionnel de la santé formé à la théorie du changement des comportements, aux stratégies de motivation et aux techniques de communication, qui sont utilisées pour aider les patients à développer leur motivation intrinsèque et à acquérir les compétences nécessaires à la création d’un changement durable en vue d'améliorer leur santé et leur bien-être » (Wolever, 2013)
Les compétences du coach de santé
Les auteurs notent que l’analyse de la littérature scientifique concernant les compétences clés des coachs de santé qui sont associées à l’efficacité du coaching de santé n’est pas aisée. L’évaluation de ces compétences étant soumises à des conditions variables. Par exemple, un manque de consensus sur la définition des rôles des coachs de santé, la disparité des profils professionnel des personnes formées, le manque d’informations sur les différentes approches utilisées dans les processus de coaching, les confusions fréquentes entre l'entretien motivationnel et le coaching de santé, et aussi la vaste gamme d’applications du coaching de santé.
Malgré ces difficultés, l’analyse de plus de 200 articles fait apparaître les caractéristiques communes du coaching de santé, regroupées en trois catégories : l’état d’esprit du coach, ses compétences en matière de changement comportemental, ses compétences cliniques. (Adapté de Olsen 2014)
1 - Principes et état d’esprit
Objet du coaching : améliorer la santé et le bien-être des patients.
Croyances du coach : les individus sont pleins de ressources et capables de se prendre en charge.
Principe de collaboration : la participation active du patient et du clinicien est importante.
Focalisation sur les bénéfices des patients : l’approche est conçue pour être personnalisée et sur mesure.
2 - Compétences en changements de comportements
Objectifs : la clarification des objectifs, basés sur les préférences d’une personne plutôt que sur celles des professionnels de santé.
Processus de changement : aider les personnes à évaluer où ils en sont, où il veulent aller et comment ils aimeraient aller de l'avant, un processus récurrent dans lequel des décisions sont prises en commun.
Création de prises de conscience : éduquer en matière de santé, questionner de façon auto-réflexive , aider le client à identifier les obstacles et les stratégies de réponses en s’appuyant sur la prise de conscience de soi.
Responsabilisation du patient : elle est perçue comme une conséquence du coaching en santé.
3 - Compétences cliniques
Intégration des compétences : cette intégration se réalise à partir des compétences cliniques, des compétences en coaching, ou de l’expérience vécue dans le cas d’une personne non spécialisée (personne ayant elle même souffert de la maladie en question) ou d’un pair.
Une formation efficace en coaching en santé fait appel à un style de coaching expérientiel et hautement interactif. Cette formation doit permettre : a) un partage d’expériences, la création de relations et de réseaux et de planifier la façon d'appliquer les nouveaux apprentissages ; b) une pratique des participants qui permet une remise en cause des perceptions existantes et des croyances limitantes, pendant que les praticiens font l'expérience personnelle d’un travail qui est très différente de l’approche directive.
La mise en œuvre du coaching de santé
Dans le rapport de 2016, les auteurs donnent un cadre général à l’utilisation du coaching de santé. Compte tenu des ses objectifs, le coaching de santé peut s'appliquer à un large éventail de situations, elle peut être utilisée par différents professionnels de santé ou non, dans des circonstances diverses, mais sous conditions de validations de compétences spécifiques.
Objectifs du coaching de santé : il vise l’amélioration, a) des comportements liés à la santé, b) de l'observance du traitement médicamenteux, c) de la planification des soins et du soutien individuel, d) de prise de décision partagée, e) de la participation des patients à la prise en charge de leurs maladies chroniques. Cette prise en charge se rapporte à la modification des habitudes comportementales.
Le champ d’applications du coaching de santé : l'arrêt du tabac, la perte du poids, la réduction des facteurs de risque cardiovasculaire, le contrôle du diabète et de l'asthme, les réadmissions hospitalières, la prise en charge de la dépression et l'observance thérapeutique.
Les intervenants en coaching de santé : ils peuvent être des cliniciens ou des non cliniciens. Les études suggèrent que les coachs efficaces peuvent être des médecins, des infirmiers ( ères), des paramédicaux, et aussi des personnes non spécialisées. Des personnes qui ont été atteintes d'une maladie de longue durée (coachant des personnes ayant la même affection) et ayant reçu une formation en coaching de santé peuvent être tout aussi efficaces que les professionnels de la santé.
Modes d’exercice du coaching de santé : le coaching de santé peut être une intervention intégrée à la pratique clinique, ou indépendante, ou dans le cadre d'un système de soins. L’intervention peut se réaliser en face à face, de façon individuelle ou en groupe, par téléphone ou internet.
Les compétences requises à la pratique du coaching de santé : le niveau des compétences exigé est de plus en plus élevé, allant des compétences de base à des compétences plus spécialisées et ces compétences doivent être validées par une certification ou une accréditation. Un large éventail de professionnels peuvent utiliser les compétences en coaching de santé, dans la pratique médicale habituelle ou dans le cadre de consultations de coaching santé sur mesure.
Le coaching des non professionnels de la santé
Le rapport (2016) évoque la pratique du coaching par des non professionnels de la santé et des pairs. Les non professionnels (profanes) sont des personnes qui ont une expérience vécue de la maladie des patients accompagnés et qui ont reçu une formation en coaching. Ils sont issus de communautés indépendantes qui délivrent des services individuels ou de groupes. « Ils peuvent être bénévoles, employés ou chômeurs de longue durée, retraités ou atteints de diverses maladies comme la sclérose en plaques et le diabète ».
Des coaches de santé non professionnels peuvent aider les patients à :
- Raconter et comprendre leur histoire.
- Identifier ce qui est important pour eux et ce qu'ils veulent à long terme.
- Identifier et réaliser les premiers pas vers un objectif.
Les objectifs peuvent être aussi variés que perdre du poids ou déménager dans un logement plus approprié. Des coachs non professionnels soutiennent les patients et les aident à surmonter les blocages et les obstacles, en s’appuyant sur les forces et les atouts du client et ses expériences antérieures de réussite. Le coach ne donne pas de conseils ou de commentaires sur les traitements, les médicaments ou l'état de santé de la personne ».
« Alors que le coaching de santé en milieu clinique s'appuie sur les connaissances spécialisées des professionnels de la santé, les coachs non professionnels se concentrent sur ce qui est important pour l'individu dans la gestion du problème de santé au quotidien ».
Une vision transformative du coaching de santé
Comme nous venons de le voir dans les chapitres précédents, le coaching de santé est, au travers des données de la littérature scientifique, perçu comme un processus d’accompagnement d’une personne vers la réalisation de ses objectifs de santé. Les résultats se rapportent essentiellement à des objectifs comportementaux, bien sur avec la participation active du client : arrêt du tabac, perte du poids, réduction des facteurs de risques cardiovasculaires, contrôle du diabète et de l'asthme, facilitation des réadmissions hospitalières, prise en charge de la dépression et observance thérapeutique.
Ces objectifs inscrivent la démarche de coaching dans la mission première des professionnels de santé, qui est de restaurer, maintenir et réparer des organes ou des fonctions afin que la personne concernée puisse retrouver sa vie d’avant la survenue du symptôme ou de la maladie. Dans cette perspective, le coaching de santé devient, par la participation active des patients, un adjuvant essentiel des stratégies de guérison.
Il est cependant possible d’élargir la vision du coaching de santé. Si avec une perspective systémique et intégrale, on admet l’hypothèse que le symptôme et la maladie sont l’expression d’une perte d’intégrité de la personne, c’est une autre approche qui s’impose. Le symptôme peut être considéré comme une perte d’équilibre ou d’homéostasie qui va bien au delà du biologique, et qui peut concerner l’ensemble des aspects de la personne (valeurs et croyance, identité, spiritualité..etc.) Tous ces aspects contribuent à une bonne capacité d’adaptation de l’individu à son environnement et ses objectifs de vie. Une santé globale signifie des habitudes comportementales saines et un environnement sain, mais aussi des stratégies mentales saines (résilience, gestion du stress), des croyances et valeurs saines car facilitant la réalisation des objectifs de vie, et aussi d’une identité saine avec le sentiment d’être la personne que l’on souhaite être et de pouvoir vivre dans le monde auquel on souhaite appartenir.
Dans cette perspective globale, le coaching prend un tout autre aspect. Il ne s’agit plus seulement de faciliter le changement d’habitudes comportementales, mais d’aider la personne à accéder à un nouveau niveau de conscience, un nouvel état d’homéostasie psycho spirituel et émotionnel. La question n’est plus « Si tu n’avais plus ce symptôme, quels comportements voudrais tu acquérir ? », mais « Si tu n’avais plus ce symptôme, qu’elle est la vie que tu voudrais mener ? ».
Le coaching devient alors un accompagnement pour permettre aux individus de vivre pleinement leur vitalité afin de pouvoir mener une meilleure vie, voire mener la vie qu’ils ont rêvé. D’autres qualités et compétences s’imposent. Des qualités qui ne s’opposent en rien aux compétences décrites dans les chapitres précédents, mais qui bien au contraire « incluent et les transcendent » ces compétences. Par transcender on entend donner un autre niveau d’efficacité et de puissance à ces compétences.
Voici quelques principes, qualités personnelles et compétences appropriées à un coaching de santé que j’appellerais intégral.
1. Une perspective générative
En fonction de son parcours professionnel, chaque coach peut amener une contribution spécifique à la santé de son client, par exemple un entraînement physique, des conseils en matière de nutrition, des stratégies anti stress de relaxation (méditation, yoga…etc.), ce qui peut impacter grandement et positivement les habitudes de vie du client. Un coach de santé intégrale devra en plus repérer en quoi les nouvelles pratiques contribuent à renforcer ou développer le niveau global de vitalité du client et en quoi ce dernier contribue à la réalisation de ses buts de vie.
La collaboration coach patient peut générer des stratégies efficaces pour répondre à des demandes de réduction ou de stabilisation d’une maladie chronique, mais ces stratégies resteront insuffisantes pour apporter des solutions durables. Ces dernières découleront d’une mise en place d’une vie saine dans ses multiples dimensions. Dans ce cas le coach de santé intégrale accompagne son client dans une démarche de croissance personnelle et de son niveau de conscience, pour mettre en place un équilibre de vie plus sain et plus approprié à la réalisation des aspirations individuelles. Cette démarche est intégrale et générative, car le symptôme est le déclencheur d’une démarche de croissance susceptible de générer des résultats non imaginés.
2. La relation et la création d’un espace de transformation
Les sciences médicales ne nous apprennent pas à créer les conditions relationnelles de la transformation individuelle. Dans un coaching de santé intégrale, il s’agit de construire un cadre de sécurité, de protection et de bienveillance dans lequel le client peut naturellement s’autoriser à laisser émerger une identité (concept de soi) plus saine car plus conforme à ses aspirations. Sans ce cadre de protection, sans ce sentiment d’avoir été compris et soutenu, le client aura du mal à imaginer une vie meilleure et les changements positifs qui peuvent en découler. Le niveau de relation est à la hauteur des attentes du client.
Créer un espace d’acceptation et de changement, c’est savoir accueillir avec empathie, compassion et absence de jugement, les histoires et partages d'expériences qu’apportent les clients.
Créer un espace de changement, c’est être totalement présent à soi, et à son client là où il se trouve dans son cheminement personnel. Partager cet espace nous permet de comprendre en profondeur le vécu psychologique, émotionnel et spirituel du client et aussi de savoir comment l’accompagner au mieux vers la réalisation de ses buts.
La création et la protection de cet espace permet de contenir les émotions et expériences partagées. Le client ne transmet pas ses émotions, mais les dépose dans cet espace entre deux personnes, un espace sûr qui permet aux deux personnes d’être témoins de leurs expériences et de trouver des manières pertinentes d’avancer.
3. L'intégrité et l’authenticité
L’intégrité est l’état d'une chose saine et sans altération. C’est la qualité d'une personne dont la motivation première est d’être conforme à ce qu’elle est réellement. L'intégrité, est souvent synonyme d’authenticité, d’honnêteté, de probité.
Le maintien d’une relation de coaching se fonde sur la confiance, et celle-ci repose sur l’intégrité des personnes présentes. Le partage d’expériences très personnelles nécessite de l’intégrité, de l’honnêteté, de la confidentialité et de la solidarité.
Le coach de santé respecte ses engagements et le temps de chaque client, il donne de la valeur à l'investissement du client lors de chaque session.
Par son authenticité, sa transparence, la clarté de ses propos et questions, l’absence de jeux psychologiques ou de manipulations, le coach invite son client à faire également preuve d’authenticité. Le coach de santé considère l’authenticité des engagements mutuels comme un facteur de réussite.
4. Le cadre sain de l’accompagnement
Le cadre définit les limites de ce qui est approprié ou pas à la relation d’accompagnement. Les limites ne sont pas des restrictions mais une clarification de ce qui est pertinent ou pas pour avancer dans la direction souhaitée. Des limites claires permettent le développement sain d’une relation dans le cadre du but poursuivi. Le cadre permet de rester concentré, de favoriser la profondeur et l’efficacité des échanges. Le respect du cadre permet d’éviter les digressions inutiles qui détournent les deux parties des objectifs poursuivis.
5. Le principe de croissance
Le coach de santé sait voir en chaque personne une singularité et un potentiel de croissance qui ne s’est pas encore exprimé. Comme le cerveau est doué d’une grande plasticité, le niveau de conscience de chacun peut évoluer et s’élargir, surtout si cette évolution est soutenu par une présence humaine. Ce qui compte n’est pas l’auto glorification des clients concernant leurs talents, mais les progressions observées dans les prises de conscience et les changements qu’y s'en suivent. Si vous n’avez pas la croyance que votre client possède un potentiel de croissance et de transformation, le coaching a peu de chance de produire les résultats attendus.
6. L’apprentissage permanent
Si le coach de santé croit sincèrement au potentiel de croissance de ses clients, il se doit d’être un modèle de cette croissance personnelle et d’un apprentissage permanent. Car la vie est un apprentissage. Les grands coachs de santé ne se reposent pas sur leurs lauriers. Ils ont sans cesse de nouveaux livres à lire, de nouvelles rencontres et expériences à faire, de nouvelles formations à suivre. Une insatiable curiosité les amènent à explorer de nouveaux territoires de connaissances et d’expériences. ceux qu'ils servent et sont flexibles dans les méthodes qu'ils choisissent d'employer. Et ces apprentissages permanents servent en premier lieu à cultiver et renforcer leur propre niveau de santé, tant au niveau physique, que mental et spirituel. L‘exigence de santé et de bien être qu’ils développent est congruent avec la mission qu’ils se donnent et servira de modèle au client accompagné.
Jean Luc Monsempès
Références :
(1) A Systematic Review of the Literature on Health and Wellness Coaching: Defining a Key Behavioral intervention in Healthcare ; WoleverRQ, Simmons LA, Sforzo GA, et al
Glob Adv Health Med. 2013;2:38-57. doi:10.7453/gahmj.2013.042.
(2) Health Coaching for behaviour change ; Better conversations, better care ; Interim Progress Report ; Juin 2004- https://eoeleadership.hee.nhs.uk/sites/default/files/1404813191_LmkH_health_coaching_interim_progress_report.pdf
(3) Better conversation , a guide to health coaching, The health coaching coalition ; 2016- https://www.betterconversation.co.uk/images/A_Better_Conversation_Resource_Guide.pdf