Les trois générations de médecine

Une évolution du paradigme médical

Depuis plus d’un siècle l’approche scientifique et technique de la médecine n’a cessé de se renforcer, comme si cette voie pouvait être la seule en matière de santé et de guérison. Mais de nos jours un changement important s’opère. Après la période d'une médecine matérialiste et déterministe, la médecine du corps-esprit prends de plus en plus de place dans les travaux de recherche et la pratique. La troisième époque sest celle d'une médecine non-locale dans laquelle l’esprit est facteur de guérison à l’intérieur d’une personne et entre les personnes.  

Quelques chiffres pour montrer que les choses changent : en 2015, 6 115 médecins français (1) ont déclaré un titre ou une orientation de médecine alternative et complémentaire (MAC), et plus de 40 % des Français auraient recours aux MAC (1). Dans les cas de maladies chroniques, de plus en plus de personnes se tournent vers les MAC, pour y trouver une prise en charge plus globale, personnalisée et souvent spirituelle de leur maladie. C’est probablement le Dr Larry Dorsey (2), auteur du livre « La médecine réinventée », qui a le mieux décrit les bouleversements du monde de la médecine, à travers ce qu’il appelle les « époques » de l’histoire médicale dans les pays occidentaux. Des époques qui reflètent avant tout des courants de pensée qui se rattachent, au delà de la médecine, aux changements culturels. Chaque époque inclut et transcende les précédentes. Ces époques ou générations sont synthétisées dans le tableau ci dessous : 

Première génération: la médecine scientifique

Pendant longtemps, les humains ont considéré qu’il n’y avait aucun moyen de lutter contre les épidémies de choléra, de variole, de fièvre jaune ou tuberculose qui décimaient les populations. Les enfants en étaient les premières victimes. La vie des gens était aussi mise en danger par divers traumatismes, le cancer, les maladies métaboliques, endocriniennes et cardio-vasculaires... On vivait dans un climat de vulnérabilité, de peur, et de résignation, les choses étant ainsi et ayant toujours été ainsi.

La médecine scientifique commence a émerger à la fin du 19ème siècle avec l’ère industrielle, car la médecine devient un produit de consommation de masse. C’est une médecine matérialiste, mécaniste, physique, qui se fonde sur les lois de la matière et de l’énergie décrites au 17ème siècle par Newton. On y trouve aujourd’hui l’ensemble des thérapies les plus utilisées dans la médecine occidentale : la chirurgie, les médicaments, les rayons, la vaccination, les différents examens... Ce qui compte, c’est l’énergie et la matière, et non l’esprit. 

Cette médecine scientifique représente un progrès immense dans 1’histoire de la médecine. Ses premiers résultats ont été stupéfiants, en particulier lors de l’apparition des traitements antibiotiques des maladies infectieuses (Diphtérie, tuberculose…) dont les taux de mortalité s’effondrent. Les mesures de santé publique des gouvernement ont également grandement contribué à l’allongement de la vie et l’amélioration de la santé au cours de cette époque. Ces résultats impressionnants ont modifié radicalement la perception des maladies : la science est donc en mesure de trouver un remède à chaque maladie, ce n’est qu’une question de temps et d’argent. L’avenir de la médecine est définitivement liée aux approches scientifiques.  Les immenses avancées technologiques du 20ème et 21ème siècle (thérapie génique, manipulations de l’A.D.N., transplantations d’organes..etc.) continuent à produire des miracles et à renforcer l’idée de la toute puissance de la médecine moderne. Le sujet des limites de la médecine high-tech devient presque tabou. Pourtant ces limites existent. Nous avons tendance à oublier que les progrès spectaculaires de la médecine moderne sont intervenus après la maîtrise des grands fléaux des maladies infectieuses. Les miracles de la médecine de la première époque nous font aussi oublier sa relative incapacité à guérir les maladies chroniques et les maladies dues au vieillissement. 

La seconde génération : la médecine du corps et de l’esprit 

Cette seconde période, qui débute après la deuxième guerre mondiale, est marquée par le développement de la recherche dans le domaine des maladies dites psychosomatiques et la redécouverte d’une médecine qui date de l’antiquité, et qui est présente dans de nombreuses médecines traditionnelles. Depuis des millénaires, les shamans font appel à l’effet d’attente et à la suggestion pour aider les gens à guérir. La médecine d’Esculape décrivait déjà l’influence de la psyché sur le corps et le rôle des rêves dans la guérison. Les miracles de la médecine scientifique de la première époque ont certainement relégué au second plan l’influence du psychisme sur le corps. Au 19^èmesiècle, Charcot, étudia les effets de la suggestion sur les réactions des hystériques et les fonctions corporelles. Sigmund Freud, élève de Charcot, souligna l’influence de l’inconscient sur les comportements. Ces idées de l’influence de l’esprit sur le corps ont probablement été relancées à la fin de la première guerre mondiale, avec le retours dans leur foyer de milliers de soldats profondément traumatisés. 

Au cours du 20^ème  siècle, des travaux démontrèrent que des rats et des souris soumis à un stress (exiguïté, décharges électriques) étaient victimes d’ulcères, d’hypertension et de maladies cardiaques, pouvant entrainer la mort. Puis en s’aperçut que les hommes soumis au stress présentaient le même type de réactions. Si les preuves de l’influence de l’esprit sur le corps se multiplièrent, le dogme était que le concept d’esprit pouvait être assimilé au cerveau et à ses représentations symboliques. 

Avec les recherches sur l’effet placebo, l’autosuggestion et de la pensée positive, on découvrit que l’esprit pouvait aussi engendrer aussi bien des effets bénéfiques que négatifs sur le corps des effets bénéfiques aussi bien que négatifs. Le développement de la neuro-psycho-immunologie en est un développement.

Aujourd’hui, l’approche somatique de la première période est associée à celle de la deuxième période. Par exemple le traitement du cancer combine chimiothérapie, chirurgie, et détente. Le traitement des maladies cardiaque repose sur les médicaments, la chirurgie, l’exercice et la gestion du stress.

Les médecines de première et deuxième période partagent l’idée très matérialiste que l’esprit ou la conscience sont limités au cerveau, et que l’esprit est le produit des réactions chimiques et physiologiques qui se produisent à l’intérieur du cerveau. Le point de vue de l’astronome matérialiste Carl Sagan selon lequel  « Le fonctionnement du cerveau, soit ce que nous appelons parfois l’esprit, est la conséquence de son anatomie et de sa physiologie, et rien de plus. » est encore partagé par de nombreux scientifiques : le cerveau et l’esprit sont une seule et même chose. Les maladies mentales sont donc des maladies du cerveau et elles peuvent être traitées par des médicaments : le valium pour l’anxiété, le prozac pour la dépression. 

L’apparition des médecines alternatives ou complémentaires, surtout aux Etats-Unis, a apporté une nouvelle perception de la relation corps esprit. On y accorde une place prépondérante aux facteurs psychologiques et spirituels dans le domaine de la santé, et on y fait une plus claire distinction entre esprit et cerveau. Les utilisateurs des médecines alternatives ou complémentaires disent que leur choix est dicté par le besoin d’une approche globale de la maladie et de la vie, une approche qui prend en compte les systèmes de valeurs individuels, le sens de la vie et la spiritualité. 

La troisième génération : la médecine non-localisée 

La réalité de nombreux phénomènes observés en médecine ne peuvent s’expliquer dans le seul cadre de pensée de la médecine de la première ou deuxième période. Et c’est la raison pour laquelle la science médicale peut grandement progresser en intégrant les principes d’une médecine que Larry Dossey appelle « Non localisée ». 

La médecine non-localisée ne localise pas l’esprit dans le cerveau ou le corps. D’ailleurs à ce jour la recherche n’a pas été en mesure de localiser l’esprit ou la conscience dans une zone du cerveau. L’idée clé est que l’esprit circule librement dans l’espace et dans le temps. L’esprit est bien plus que le cerveau et il est capable de réalisations que le cerveau ne peut pas faire, comme agir à distance et s’évader du présent. Pour ceux qui voudraient connaître les bases scientifiques de cet médecine « non localisée », je recommande la lecture de l’ouvrage « Un saut quantique de la conscience » du Dr Mario Beauregard, un psychiatre et chercheur en neurosciences affilié au département de psychologie de l’université d’Arizona. Il démontre, études à l’appui, comment la réalité quantique, notre esprit, peut agir au-delà des limites de notre corps, sans contrainte d’espace et de temps. Si ces preuves de l’existence et de l’efficacité d’une médecine à distance existent, leur diffusion reste bien confidentielle, surtout dans le monde médical et scientifique. C’est souvent un public éclairé et non spécialiste qui en assure la diffusion. Le Dr mario Beauregard, avec le soutien d'autrs scientifiques, est à l'origniene d'un manifeste arguant pour une ouverture des esprits scientifiques, au delà du matérialisme et vers une meilleure compréhension de l’esprit comme un aspect majeur de la fabrique de l’univers.

La représentation d’un esprit extérieur à notre tête peut paraitre étrange et défier le bon sens. Les vieilles images de l’esprit comme objet physique, strictement limité au cerveau, peuvent avoir la vie dure. Tout se passe comme si nous refusions à l’esprit le droit de ne pas être localisé, quelles que soient les preuves du contraire. 

Pourtant cette représentation de l’esprit décrit une partie naturelle de notre fonctionnement, par exemple lors d’échange d’idées, de ressentis à distance, de messages des rêves, de la connaissance du futur, de "coups de génie", et bien plus encore. Dans le cadre de cette médecine « non-localisée », cette partie de notre esprit peut nous servir à nous soigner et à rester en bonne santé. Ce concept d’un esprit non localisé me semble très proche de celui de générativité développé par Robert Dilts et Stephen Gilligan. Les idées nouvelles, celles qu’on n’avait même pas imaginées, naissent dans cet espace (ce champ) créé par deux personnes en profonde connexion.

De nombreuses études (3) montrent qu’il est possible de guérir à distance en faisant appel à des pensées de tendresse et de compassion, à des prières d’intercession pour des personnes qui ne savent même pas que l’on prie pour elles. Les travaux du HeartMath Institut Californie sur les moines tibétains, apportent de nombreux arguments à cette notion. L’explication serait qu’une partie de notre esprit ou de notre conscience est capable de s’évader du corps pour agir en n’importe quel lieu et à n’importe quelle distance que ce soit. Il est donc possible de s’aider réciproquement à guérir, faisant ainsi de la santé une affaire collective. L’entraide permet d’éviter un sentiment de solitude si présent et si pénible lors de la maladie. 

L’intuition est l’une des caractéristiques importantes de l’aspect non-local de la conscience. La plupart des médecins ont fait l’expérience de "savoir" le diagnostic, sans aucune information.

Si notre corps est mortel, une part de notre conscience qui se situe hors du temps continue à vivre. Cette perspective apporte une solution rassurante à la cause des plus grande souffrances humaines : la peur de la mort. 

Selon l’écrivain et physicien Nick Hervert, trois caractéristiques permettent d’identifier ces événements  de "non-localité". Ces caractéristiques sont fort proches de celles de la physiques quantiques. 

Les événements non-localisés n’ont pas besoin d’intermédiaires. Nos expériences ne peuvent avoir lieu en l’absence d’intermédiaires sensoriels. L’expérience visuelle transporte la lumière de l’objet à notre rétine. L’expérience kinesthésique utilise les signaux nerveux déclenchés par la pression de l’objet sur notre main. Les événements non-locaux n’ont pas besoin de signal intermédiaire. Il n’y a pas d’énergie intermédiaire à faire voyager.Et à ce jour les chercheurs n’ont pas pu identifier une énergie subtile qui circulerait entre les individus lorsque les personnes communiquent à distance. 

Les événements non localisés sont clairs et nets. Si je lance un cailloux plat dans la mer, le caillou produit une onde qui se propage en faiblissant. Par contre, un événement non-local ne faiblit pas à mesure qu’il s’éloigne. Comme si l’impact du caillou restait de force égale tout au long de son parcours sans fin dans la mer. Donc peu importe la distance si quelqu’un prie pour vous, c’est son intention ou sa prière qui comptent. 

Les phénomènes non-locaux sont immédiats.  Entre la chute du caillou dans l’eau etson impactil n’y a pas de distance à parcourir et l’effet est simultanée. De même, une intention ne "parvient" pas à "destination" car la distance à parcourir est nulle et qu’il n’y a donc pas de temps à prévoir pour le voyage. 

Des maîtres à penser comme Platon, Schiller, William James, C.D. Broad et Henri Bergson pensaient que le cerveau ne produisait pas l’esprit, mais entrait en interaction avec lui. Une métaphore tirée de l’électronique pourrait expliquer cette relation esprit-cerveau: le poste de télévision ne produit pas les ondes, mais les détecte, les filtre et les transforme en sons et images.  L’arrêt de votre poste ne signifie pas que les ondes que vous captiez auparavant ont cessé d’exister. Elles ne sont simplement pas décelables à un moment donné.  De même nous devons « ouvrir » le poste  TV de notre conscience et être réceptif aux message d’un ensemble plus vaste. 

Le mental et l’égo peuvent chercher à résister à l’idée de l’esprit non-localisé. L’égo qui peut avoir peur de perdre son individualité et vouloir rester unique et intact, peut chercher à lutter pour ne pas s’intégrer à un ensemble plus vaste.  A cela, C. G. Jung, répondrait que « c’est en prenant conscience de nos limites ultimes, et seulement à cette condition, que nous devenons capables de prendre conscience de l’infini. »

Le fait de vivre dans cet espace plus vaste n’entraine pas une dévalorisation du particulier. Selon la morale non-locale nous sommes des individus, et aussi davantage que nos individualités. La règle d’or de la troisième époque tend à l’accomplissement de l’individualité et non à son éradication. 

La troisième Epoque apporte une vision collective et illimitée de la conscience humaine. Si nos corps sont distincts, nos esprits ne le sont pas et ne font qu’un. Le "je" et "l’autre" sont, en un sens, une seule et même personne, ce qui veut dire que ce que nous faisons aux autres, nous le faisons aussi à nous-mêmes. On peut alors élargir la Règle d’or : « fais du bien aux autres parce que toi et les autres ne faites qu’un ». 

Références

(1) Cinq chiffres pour comprendre les médecines complémentaires et alternatives Le Monde Publié le 31 août 2016 https://www.lemonde.fr/sante/article/2016/08/31/cinq-chiffres-pour-comprendre-les-medecines-complementaires-et-alternatives_4990659_1651302.html

(2) La médecine réinventée. L’art de guérir du 3^èmemillénaire. Dr Larry Dossey 1999.

(3) Un saut quantique de la conscience. Pour se libérer enfin de l’idéologie matérialiste. Dr Mario Beauregard avec une préface de Jean Staune. Guy Trédaniel 2018.