Une étude utilisant l'imagerie cérébrale suggère qu’un mode de leadership ou de coaching centré sur la formulation d'une intention, peut favoriser la croissances des individus dans le cadre d’un coaching managérial, sportif, scolaire ou parental.
Les chercheurs de la Case Western Reserve University, ont utilisé la neuro-imagerie pour observer le cerveau des participants qui réagissaient à deux styles différents de coaching. Ils voulaient observer dans le cerveau, ce qui aide les individus à se développer ou les pousse à résister au changement.
"Ce travail s'applique à tous les métiers d'aide et à tous les professionnels", a déclaré M. Boyatzis, "qu'il s'agisse de thérapeutes, de médecins, d'infirmières, de religieux, de managers, d'enseignants, de professeurs, de travailleurs sociaux, de dentistes et de parents". "Ceux qui cherchent à aider autrui font une confusion entre les processus d’aide et les processus de résolution de problème", "Cette étude démontre que lorsque nous interagissons pour aider une personne, en insistant sur ses problèmes immédiats, nous limitons bien involontairement sa capacité à envisager de futures possibilités, ce qui compromet l'intention même d'aider.
La méthodologie de l'étude
L'étude a porté sur 47 étudiants qui ont bénéficié d’une série de de coaching de 30 minutes avant d’effectuer une Imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf). Les chercheurs ont visualisé l'activité neuronale les fonctions cérébrales associées à ce qui est décrit en psychologie comme le "moi idéal" (la personne que vous aimeriez être), avec le "moi réel" (la personne que vous êtes réellement). Un exemple de "moi idéal" serait : "Je suis enthousiaste des possibilités que m'offre mon avenir", et un exemple de "moi réel" serait : "J'ai peur de ne pas atteindre ce que l'on attend de moi".
Tous les sujets ont bénéficié d'une séance de coaching axée sur le moi réel, puis après randomisation la moitié des participants ont bénéficié d’un nombre variable de séances de coaching axées sur le moi idéal. Pour les besoins de l’étude, on présenté aux sujets 96 vidéos préenregistrées dans lesquelles les coachs font des déclarations sur l'expérience éducative du participant ou sur ses perspectives d'avenir. Les déclarations s'articulaient autour des thèmes de l'espoir, de la compassion, de la pleine conscience et du jeu pour la condition du moi idéal, et des thèmes de l'absence d'espoir pour la condition du moi réel. Les sujets signalaient dans quelle mesure ils étaient d'accord ou non avec chaque affirmation.
Cette étude s’appuie sur les neurosciences pour évaluer certains aspects de la théorie du changement intentionnel de Boyatzis, concernant la manière d'obtenir un changement durable et souhaité chez les individus, les équipes, les organisations, les communautés et les pays.
Les résultats
Les chercheurs ont découvert quelque chose de surprenant, à savoir l'existence d'un conflit entre les deux façons différentes de se percevoir. Cette constatation est importante car elle montre à quel point les "je devrais" et autres pensées autocritiques peuvent facilement entraver le développement d'une vision forte de notre moi idéal. Nous devons reconnaître que ces pensées négatives créent une attitude défensive et une résistance au changement, concluent les chercheurs.
Les personnes connectées à un fort moi idéal ont plus de facilités à analyser leur environnement de façon globale, et à percevoir les thèmes émergents, affirment les chercheurs. Ils ressentent davantage d'émotions positives, sont plus ouverts aux nouvelles idées et possèdent une plus forte motivation intrinsèque. "Nombreux sont ceux qui pensent que le meilleur moyen de faire changer les autres, et eux-mêmes, est de combiner la carotte et le bâton, par exemple en accompagnant une critique de compliments", a déclare un des chercheurs "Ces résultats montrent qu'il est plus efficace d'amener l'individu à se concentrer d'abord et avant tout sur ses rêves et ses aspirations concernant l'avenir."
Le développement d’une vision claire d’un moi idéal, amène plus facilement la personne à désirer évoluer, plutôt que de faire des efforts, exprimer une résistance ou un déni. "De nombreux managers surestiment l'importance d’échanger avec leurs collaborateurs sur leurs forces et leurs faiblesses. La véritable astuce consiste à aider qles individus à se donner activement un feedback sur eux-même". "Les entreprises, les coachs et les managers qui veulent que les gens changent doivent se taire sur ce qu'ils pensent devoir être corrigé. Ils doivent plutôt faire confiance au désir intrinsèque de l'individu de se développer et lui permettre de diriger son propre processus de développement. Sinon, ils risquent de se heurter à un mur de résistance psychologique".
Commentaires pour les coachs de santé
Le modèle du changement intentionnel ( Intentional Change Theory ou ICT ) de Richard Boyatzis propose d’apporter des réponses aux questions clés que se posent tous les facilitateurs du changement : « Comment les gens modifient-ils leur comportement ? Que faut-il faire pour obtenir un changement durable ? »
La théorie du changement intentionnel repose sur cinq étapes ou "cinq découvertes", à savoir : 1) La définition d’un moi idéal et d’une vision personnelle ; 2) un bilan comparatif des forces et faiblesses entre le moi réel et le moi idéal ; 3) un programme d’apprentissage et un plan d'action ; 4) l'expérimentation et la pratique d'un nouveau comportement, de nouvelles pensées, de nouveaux ressentis ou de nouvelles perceptions ; 5) des relations de confiance ou de résonance, qui permettent à une personne d'expérimenter et d’apprendre de chaque découverte. Les individus parcourent un cycle répétitif de ces cinq découvertes au fur et à mesure de ses changements.
a) Imaginer son moi idéal et créer une vision personnelle. Le "moi idéal" est l’image de la personne que nous voulons être, et dont le développement comporte trois composantes : l'image d'un avenir désiré, l'espoir de pouvoir l'atteindre, les points forts et durables de son identité centrale sur lesquels s'appuyer pour atteindre cet avenir souhaité. Pour Boyatzis, la création de l’image du moi idéal déclenche l’engagement émotionnel à changer.
b) Comparaison des points forts et faiblesses entre le moi idéal et le moi réel. Le moi "réel", est avant tout celui que les autres voient et avec lequel ils interagissent, même si nous pouvons avoir un avis différent. Car parfois, nous ne voulons pas regarder de trop près nos forces et faiblesses, ou les autres peuvent être réticents à nous faire part de ce qu'ils observent. L’important est de savoir ce que l'on apprécie chez soi et que l'on souhaite conserver, et aussi ce que l'on souhaite changer. Pour Boyatzis, les divergences de perception entre le moi idéal et le moi réel peuvent être considérées comme des lacunes ou des faiblesses.
c) Élaboration d'un programme et d'un plan d'apprentissage. Le plan est ce qui peut combler l’écart entre le moi « réel » et la vision du « moi idéal ». Ce plan de développement s’avère d'autant plus efficace qu'il est soutenu par une croyance positive en ses capacités et la possibilité d'amélioration, et qu’il comporte des critères de réalisations fixées par la personne qui veut changer.
d) Mettre en pratique les changements souhaités. Cette étape consiste en l’expérimentation d’un nouveau comportement, l’évaluation de son efficacité et une réflexion sur la poursuite de l'expérience. Elle peut se réaliser dans le cadre d'une formation, ou dans le monde réel, par exemple au travail ou à la maison. Et l'expérimentation sera plus efficace dans des conditions de sécurité psychologique, c’est-à-dire en l’absence de risques de gène ou de graves conséquences en cas d'échec.
e) Des relations qui nous aident à apprendre. Les relations et les groupes de soutien jouent un rôle important dans la mise en œuvre de notre capacité à changer, comme source de feedback, et pour nous éviter de retomber dans nos anciennes habitudes. Pour Richard Boyatzis, nous disposons de deux états, d’une part un Attracteur émotionnel positif (AEP) et d’autre part un Attracteur émotionnel négatif (AEN). L'activation de l'AEP permet d'atteindre un état psychophysiologique d'ouverture aux nouvelles idées, ce qui facilite le passage à la découverte suivante. En revanche, l'AEN est lié à un sentiment d'obligation qui sabote la durabilité de toute tentative de changement. Pour le soi réel, l'accent porte sur les points forts et non sur les manques. Cela stimule l’AEP en s'appuyant sur ce que l'on sait déjà faire et en comblant les lacunes, plutôt que de s'attarder sur les faiblesses.
Cette étude apporte plusieurs enseignements
a) La formulation d’un état désiré (moi idéal) au même niveau de pensée que celui de l’état présent (soi réel) crée immédiatement un problème, un conflit interne objectivable par l’imagerie cérébral. On peut donc favoriser l’apparition d’un conflit interne chez son client, tout simplement en lui demandant « que veux-tu à la place de ce que tu ne veux pas ?»
b) La formulation d’un état désiré (moi idéal) a un niveau de processus (ou logique) supérieur à celui qui a créé le problème, amène non pas à résoudre un conflit, mais à faciliter un processus d’alignement. Comme le dit Einstein « On ne peut pas résoudre un problème en restant au même niveau de pensée que celui qui a créé le problème ». Dans son modèle SCORE, Robert Dilts distingue « l’espace problème » avec ses quatre composantes (Symptômes, Causes, Objectif, Effets) de « l’espace solution » qui se trouve à un niveau de pensée plus élevé et qui comporte un potentiel important de ressources pour modifier les composantes de l’espace problème.
c) L’étude ne le dit pas, ou je ne l’ai pas trouvé, mais il me semble important de rappeler que la formulation de l’état désiré sur le « moi idéal » soit associé à une forte résonnance émotionnelle, ou à une "cognition incarnée " comme le diraient le scientifique Francisco Varela ou le guérisseur Neville Goddard. Il est également important que la formulation du « soi idéal » soit bien plus l’expression d’un soi fondamental (notre raison d’être, notre nature profonde ou notre âme) que l’expression de l’égo (qui assure notre sécurité par des « il faut, il faudrait que, je dois, il est impossible… »)
d) Le modèle du changement intentionnel, apporte une validation théorique aux enseignements de Robert Dilts et Stephen Gilligan sur les changements génératifs, et aussi à ma propre démarche en matière de coaching de santé. Seule la formulation d’une intention identitaire d’un niveau de pensée bien supérieur à l’identité associée au problème de santé est en mesure de rétablir un équilibre corps-esprit plus satisfaisant, et de faire émerger en même temps les ressources à la réalisation de l’intention et ses résistances.
e) Le modèle du changement intentionnel, reconnait l’importance de l’intention dans un processus de changement. Si la formulation d’un objectif précis et contextualisé répond aux exigences de l’égo (en termes d'avoir ou faire), il ne peut répondre à la formulation d’un « soi idéalisé » exprimé en terme de qualité d'être. Un objectif est une destination à atteindre, alors qu’une intention est une direction qu’on donne à sa vie sans savoir à l’avance comment cette intention va pouvoir s’exprimer. La possibilité d’échec qui est liée à l’objectif, n’existe pas avec l’expression d’une intention, car il est possible de ressentir dans le présent les bénéfices de la nouvelle orientation donnée à sa vie.
Sources
A better coaching method can promote an individual's growth, by Case Western Reserve University, Mecical x press AUGUST 3, 2023;
When fixing problems kills personal development: fMRI reveals conflict between Real and Ideal selves, Frontiers (2023). DOI: 10.3389/fnhum.2023.1128209 , www.frontiersin.org/articles/1 … 023.1128209/abstract
Developing resonant leaders through emotional intelligence, vision and coaching ; Boyatzis Richard, Smith Melvin Van Oosten Ellen, Woolford Lauris; March 2013, Organizational Dynamics 42(1):17–24 ; DOI:10.1016/j.orgdyn.2012.12.003
The Grand Challenge for Research on the Future of Coaching; Richard E. Boyatzis, Alicia Hullinger, Sharon F. Ehasz, Janet Harvey, Silvia Tassarotti, Anna Gallotti, and Frances Penafort, The Journal of Applied Behavioral Science, March 2022, he Journal of Applied Behavioral Science2022, Vol. 58(2) 202–222