La connexion corps-esprit est intégrée au cerveau

La connexion corps-esprit est intégrée au cerveau

Les zones du cerveau qui contrôlent les mouvements sont connectées à des réseaux qui orchestrent la pensée et la planification et contrôlent les fonctions corporelles involontaires. Ces découvertes établissent un lien entre le corps et l'esprit dans la structure même du cerveau.

Calme du corps, calme de l'esprit, disent les adeptes de la pleine conscience. Une nouvelle étude montre que l'idée selon laquelle le corps et l'esprit sont inextricablement liés n'est pas qu'une simple abstraction. L'étude Mind-Body Connection Is Built Into Brain montre que les parties du cerveau qui contrôlent les mouvements sont connectées aux réseaux impliqués dans la pensée et la planification, ainsi que dans le contrôle des fonctions corporelles involontaires telles que la pression artérielle et le rythme cardiaque. Les résultats représentent un lien littéral entre le corps et l'esprit dans la structure même du cerveau.

La recherche, publiée le 19 avril dans la revue Nature, permettrait d'expliquer certains phénomènes déconcertants, par exemple les raisons pour lesquelles l'anxiété incite certaines personnes à faire les cent pas; ou les raisons du soulagement de la dépression par la stimulation du nerf vague qui régule les fonctions organiques internes telles que la digestion et le rythme cardiaque; ou les raisons de la vision plus positives de la vie chez les personnes qui font régulièrement de l'exercice physique. "Les personnes qui méditent disent qu'en calmant leur corps, par exemple par des exercices de respiration, elles calment aussi leur esprit", explique le premier auteur, Evan M. Gordon, professeur adjoint de radiologie à l'Institut Mallinckrodt de radiologie de la faculté de médecine.

"Ces pratiques peuvent être très utiles pour les personnes souffrant d'anxiété, mais jusqu'à présent, nous n’avions peu de preuves scientifiques de leur efficacité. Mais aujourd'hui, nous avons trouvé un lien. Nous avons trouvé l'endroit où la partie de l'esprit très active et orientée vers un objectif, "allez, allez, allez", se connecte aux parties du cerveau qui contrôlent la respiration et le rythme cardiaque. Si vous calmez l'une de ces parties, cela devrait absolument avoir des effets en retour sur l'autre".

Gordon et l'auteur principal Nico Dosenbach, n'ont pas tenté de répondre à de vieilles questions philosophiques sur la relation entre le corps et l'esprit. Ils ont cherché à vérifier la pertinence des cartes des zones du cerveau qui contrôlent le mouvement, en utilisant des techniques modernes d'imagerie cérébrale. Dans les années 1930, le neurochirurgien Wilder Penfield a cartographié ces zones motrices du cerveau en appliquant de petites secousses électriques au cerveau de personnes subissant une opération du cerveau et en notant leurs réactions. Il a découvert que la stimulation d'une étroite bande de tissu sur chaque moitié du cerveau provoque des contractions de certaines parties du corps. De plus, les zones de contrôle du cerveau sont disposées dans le même ordre que les parties du corps qu'elles dirigent, les orteils se trouvant à une extrémité de chaque bande et le visage à l'autre. La carte de Penfield des régions motrices du cerveau - représentée sous la forme d'un homoncule, ou "petit homme" - est devenue un élément essentiel des manuels de neurosciences.

Gordon, Dosenbach et leurs collègues ont entrepris de reproduire le travail de Penfield à l'aide de l'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf). Ils ont recruté sept adultes en bonne santé pour leur faire passer de multiples scintigraphies cérébrales par IRMf, au repos ou en train d'effectuer des tâches. À partir de cet ensemble de données à haute densité, ils ont établi des cartes cérébrales individuelles pour chaque participant. Ils ont ensuite validé leurs résultats à l'aide de trois grands ensembles de données IRMf accessibles au public - le Human Connectome Project, l'Adolescent Brain Cognitive Development Study et la UK Biobank - qui contiennent ensemble les scanners cérébraux d'environ 50 000 personnes.

À leur grande surprise, ils ont découvert que la carte de Penfield n'était pas tout à fait exacte. Le contrôle des pieds se trouvait à l'endroit identifié par Penfield. Il en va de même pour les mains et le visage. Mais entre ces trois zones clés se trouvaient trois autres zones qui ne semblaient pas du tout directement impliquées dans le mouvement, même si elles se trouvaient dans l'aire motrice du cerveau. En outre, les zones non liées au mouvement étaient différentes des zones liées au mouvement. Elles semblaient plus fines et étaient fortement connectées entre elles et avec d'autres parties du cerveau impliquées dans la pensée, la planification, l'éveil mental, la douleur et le contrôle des organes internes et des fonctions telles que la pression artérielle et le rythme cardiaque.

D'autres expériences d'imagerie ont montré que les zones de non-mouvement ne s'activaient pas pendant le mouvement, mais qu'elles s'activaient lorsque la personne pensait à bouger. "Toutes ces connexions ont un sens si l'on pense à ce à quoi sert réellement le cerveau", a déclaré M. Dosenbach. "Le cerveau sert à se comporter avec succès dans un environnement afin d'atteindre ses objectifs sans se blesser ou se tuer. Vous bougez votre corps pour une raison. Bien entendu, les zones motrices doivent être reliées aux fonctions exécutives et au contrôle des processus corporels de base, comme la tension artérielle et la douleur. La douleur est le feedback le plus puissant, n'est-ce pas ? Vous faites quelque chose, vous avez mal et vous vous dites : 'Je ne recommencerai pas'".

Dosenbach et Gordon ont baptisé leur réseau nouvellement identifié "Somato (corps)-Cognitive (esprit) Action Network" (SCAN). Pour comprendre comment le réseau s'est développé et a évolué, ils ont scanné les cerveaux d'un nouveau-né, d'un enfant d'un an et d'un enfant de neuf ans. Ils ont également analysé des données recueillies précédemment sur neuf singes. Le réseau n'était pas détectable chez le nouveau-né, mais il était clairement visible chez l'enfant d'un an et presque semblable à celui d'un adulte chez l'enfant de 9 ans. Les singes avaient un système plus petit et plus rudimentaire, sans les connexions étendues que l'on observe chez l'homme.

"Au départ, il s'agissait peut-être d'un système plus simple permettant d'intégrer le mouvement à la physiologie, de sorte que nous ne nous évanouissions pas, par exemple, lorsque nous nous levons", a expliqué M. Gordon. "Mais au fur et à mesure que nous avons évolué vers des organismes capables de penser et de planifier de manière beaucoup plus complexe, le système a été amélioré pour intégrer un grand nombre d'éléments cognitifs très complexes.

Les indices de l'existence d'un réseau corps-esprit existent depuis longtemps, dispersés dans des articles isolés et des observations inexplicables. "Penfield était brillant et ses idées ont dominé pendant 90 ans, ce qui a créé un angle mort dans le domaine", a déclaré Dosenbach, qui est également professeur agrégé d'ingénierie biomédicale, de pédiatrie, d'ergothérapie, de radiologie et de sciences psychologiques et cérébrales.

"Lorsque nous avons commencé à chercher, nous avons trouvé de nombreuses données publiées qui ne correspondaient pas tout à fait à ses idées, ainsi que d'autres interprétations qui avaient été ignorées. Nous avons rassemblé un grand nombre de données différentes en plus de nos propres observations, nous avons fait un zoom avant et nous les avons synthétisées, ce qui nous a permis de trouver une nouvelle façon de penser la façon dont le corps et l'esprit sont liés."

Commentaires pour les coachs de santé

Qu’on soit professionnel de santé ou pas nous savons que le fonctionnement du corps peut grandement impacter celui de l'esprit. Et c’est ce qui rend si populaire les pratiques du yoga, de la méditation, du tai-chi et de nombreuses techniques respiratoires, afin d’apporter calme et sérénité intérieure à l’homme moderne dont la vie peut être si agitée. Cependant, l’idée que l'esprit puisse guérir le corps, trouve à ce jour bien plus sa place dans les approches dites complémentaires ou alternatives de la santé que dans les approches médicales conventionnelles. Celui qui aborde ce sujet prend le risque d’être traité de charlatan. Soigner le corps par le mental reste encore une idée marginale. Les preuves de l’impact des pensées et du stress sur notre corps s’accumulent, par exemple sur les pathologies cardio-vasculaires (infarctus, AVC, HTA…) les maladies auto-immunes, voire le cancer. La recherche montre donc que le stress impacte négativement notre corps, mais se refuse jusqu’à présent à tenter de montrer qu’un changement important d’un mode de pensée puisse impacter positivement le fonctionnement du corps, même dans des situations de maladies dites graves ou mortelles. La puissance de l’effet placébo (la blouse blanche du médecin, le soutien relationnel, les croyances du médecin sur l’efficacité du traitement prescrit…) est connu mais non encore intégré dans la pratique médicale. Il y a probablement plusieurs explications à cela. La science s’intéresse à ce qui est observable, vérifiable et reproductible chez un nombre important de sujets afin de pouvoir fournir des preuves statistiques. Ce qui peut être observable sont les circuits cognitivo-somatique comme le fait l’étude ci-dessus. En revanche la croyance médicale courante considère que l’expérience subjective pouvant conduire à la guérison du corps, ne peut être standardisée car trop individuelle, c’est-à-dire qu'elle ne peut être produite et mesurée de façon objective dans des groupes de personnes. Ce qui est vrai si on se rapporte au contenu de l'expérience subjective et faux si on se raporte à sa structure. En l’absence d’une standardisation des interventions, il n’y a pas de comparaison valable possible, ni de mesures objectives, donc pas de recherches dignes de ce nom.

Les recherches sur l'impact des facteurs cognitifs et émotionnels sur le processus de guérison restent bien peu nombreuses. Ces « facteurs de guérison » sont décrits en tant qu’hypothèses par la recherche, ou en tant que certitude par les praticiens de médecines ancestrales. Il reste donc à évaluer la pertinence de ces facteurs. Pour la science, ce qui n’est pas objectivable, n’existe pas, et c’est bien le problème posé par l’expérience subjective. La médecine corps-esprit reste encore confidentielle et c’est bien dommage car elle ouvre des perspectives considérables en matière de santé.

De nombreuses recherches en psychoneuroimmunologie attestent d'une communication bidirectionnelle entre système nerveux et immunitaire, soit directement, soit via une voie de régulation neuroendocrinienne, mais à ma connaissance peu de travaux franchissent le pas de l'évaluation des modes de pensée sur un processus de guérison. Peut-être en raison de la croyance encore très répandue que la guérison reste le domaine réservé de la médecine ou de la religion. Même si 90 % des problèmes de santé se guérissent sans interventions médicales.

La pratique de cette médecine corps-esprit, (en dehors des approches standardisées de méditation, de tai-chi, et de yoga),  pose également de considérables défis, car elle fait appel à des compétences jusqu’à présent peu enseignées aux professionnels de santé, comme le fonctionnement du psychisme humain, la puissance de la relation humaine, le changement de croyances, les sciences du changement du comportement humain et de la motivation, les changements de niveaux de conscience et la spiritualité. De nouvelles professions apparaitront dans le paysage de la santé, et j’espère que les coachs de santé y trouveront leur place. 

Sources

Mind-Body Connection Is Built Into BrainNeuroscience News Psychology Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. from WUSTL ·April 19, 2023 , https://neurosciencenews.com/mind-body-brain-23049/