Envisager le bonheur de manière flexible, en modifiant notre comportement selon différents contextes, pourrait apporter des avantages significatifs en matière de bien-être.
Est-il préférable de se faire plaisir immédiatement lorsque nous considérons mériter une petite douceur, ou de retarder la gratification au profit d'objectifs plus importants ? De nouvelles recherches suggèrent que, quelle que soit notre approche, le bonheur peut attendre.
La croyance qu'il est préférable ou pas de retarder la gratification plutôt que de profiter d'un plaisir à court terme intervient dans la plupart de nos décisions. Ceux qui privilègient le plaisir de l'instant présent peuvent être plus enclins à se laisser tenter par une petite gâterie qui ne contribue pas à un objectif à plus long terme, tandis que ceux qui sont plus adeptes de la gratification différée peuvent avoir plus de facilité à dire "non".
L'étude intitulée Happiness, To enjoy now or later ? Consequences of delaying happiness and living in the moment beliefs, realisée par des universitaires américains et australiens s'est penchée sur les décisions que nous prenons pour atteindre le bonheur et a montré que nos croyances sur le bonheur influencent nos actions. Les résultats de cette étude suggèrent que le fait d'envisager le bonheur de manière flexible, en modifiant notre comportement selon les différents contextes, pourrait apporter des avantages significatifs en termes de bien-être.
Dans la première étude, 298 étudiants ont été invités à réfléchir à un objectif suffisament important pour s'obliger à faire des sacrifices pour l'atteindre. On leur a ensuite demandé dans quelle mesure ils étaient d'accord avec des affirmations telles que "cela vaut la peine de faire des sacrifices aujourd'hui pour être heureux à l'avenir" ou "je crois qu'il faut travailler dur aujourd'hui pour être heureux à l'avenir, même si cela implique de passer à côté de moments agréables". Afin d'évaluer leurs sentiments à l'égard de l'instant présent, les enquêteurs ont également vérifié dans quelle mesure ils étaient d'accord avec des affirmations telles que "Je veux profiter de l'instant présent et de la vie autant que possible".
Puis les chercheurs ont analysé pendant une semaine, les réponses aux affimations, le temps et les efforts consacrés par les participants à la réalisation de leur objectif principal défini plus tôt, la fréquence à laquelle ils participaient à des activités amusantes ou agréables, le degré de satisfaction qu'ils s'attendaient à ressentir lorsqu'ils atteindraient leur objectif et les regrets qu'ils éprouvaient lorsqu'ils négligeaient leur objectif au profit d'activités amusantes. Des mesures sur la persévérance et la passion pour les objectifs à long terme, le contrôle de soi, la pleine conscience, la gratification différée et d'autres traits de personnalité ont également été réalisées.
Les résultats suggèrent que ceux qui adhérent à l'idée de retarder le bonheur passent plus de temps à poursuivre des objectifs, mais se sentent plus anxieux lorsqu'ils s'engagent dans des activités sans objectif précis. Ceux qui croyaient plus en la possibilité de vivre le bonheur du moment présent, s'engageaient dans des activités plus amusantes et éprouvaient un plus grand bien-être sous forme de sentiments de compétence, de signification, d'objectif, de relations et d'optimisme. Une deuxième étude a reproduit ces résultats sur un échantillon de sujets plus âgé, suggérant en outre que le bonheur différé peut entraîner un plus grand bien-être, car les gens poursuivent des objectifs qui contribuent à donner un sens et un but plus profonds à leur vie.
Afin d'approfondir ces résultats, l'étude suivante s'est intéressée à la malléabilité de nos croyances sur le bonheur : pouvons-nous changer notre façon de penser le bonheur, et quel est le résultat d'un tel changement ? Les participants ont été assignés au hasard à la lecture d'un faux article du New York Times, destiné à activer les théories selon lesquelles le bonheur est soit un investissement qui s'accroît avec le temps, soit quelque chose qui vient et disparaît. Ils ont ensuite fait part de leurs croyances en matière de bonheur différé et de vie dans l'instant présent.
Sous l'influence des articles, les personnes ayant lu l'article sur le bonheur en tant qu'investissement étaient plus susceptibles de s'identifier aux croyances en un bonheur différé et, à leur tour, de déclarer qu'elles étaient plus enclines à poursuivre leurs objectifs à long terme. Cela suggère que les croyances sur le bonheur sont en effet malléables : nous pouvons changer ce que nous ressentons à propos du bonheur, et cela peut ensuite modifier notre comportement.
Dans le cadre d'une dernière étude, les participants ont tenu un journal quotidien. Chaque jour, pendant douze jours, ils ont noté un objectif, ainsi que le temps qu'ils avaient passé à le poursuivre, leur degré de satisfaction dans la vie et tout sentiment positif ou négatif. Une fois de plus, les résultats suggèrent que les différentes croyances sur le bonheur déterminent le degré de poursuite des objectifs, nos réactions émotionnelles et notre bien-être ; ceux qui vivaient dans l'instant présent étaient plus susceptibles de s'engager dans des activités éphémères, non orientées vers un objectif, tandis que ceux qui croyaient au bonheur différé se concentraient sur la poursuite d'un objectif.
Si vous êtes à la recherche de conseils pour savoir s'il faut retarder la gratification ou vivre dans l'instant présent, cette étude est porteuse de bonnes nouvelles : dans l'ensemble des études, les deux croyances ont généré du bonheur et du bien-être lorsque les participants suivaient leurs croyances en matière de bonheur différé ou de gratification immédiate. Au lieu de rechercher la supériorité d'une croyance sur le bonheur par rapport à une autre, les auteurs suggèrent qu'une approche flexible dans laquelle nous reconnaissons les bénéfices à la fois dans des plaisirs éphémères et du travail sur des objectifs plus importantdes à lus long terme, pourrait en fin de compte nous rendre plus heureux.
Dans cette étude, le bonheur différé et le fait de vivre dans l'instant présent étaient considérés comme des croyances opposées. Les auteurs notent qu'elles pourraient en fait être complémentaires, ce qui pourrait limiter la validité de ces résultats. Les recherches à venir pourraient également se pencher sur la façon dont les différentes croyances sur le bonheur influencent réellement la façon dont nous nous sentons et vivons notre vie dans la réalité ; lorsque nous atteignons un objectif à long terme pour lequel nous avons sacrifié des plaisirs à court terme, à quel point nous sentons-nous vraiment heureux ?
Comme l'écrit l'auteur principal, Lora Park, "le bonheur est souvent considéré comme quelque chose dont on peut profiter maintenant ou plus tard, mais nos recherches suggèrent qu'il y a des coûts et des bénéfices dans les deux cas, et que ces croyances sont également malléables". Le simple fait d'être conscient de ces différentes croyances sur le bonheur - et du fait que l'on peut être flexible dans ces croyances - est un élément à prendre en compte pour maximiser le bonheur et le bien-être dans la vie de tous les jours".
Commentaires pour les coachs de santé
Ces résultats sont intéressants à prendre en compte lorsqu'une personne est confrontée à une situation médicale difficile qui peut être percue comme un obstacle au bonheur. l’imaginaire populaire, la santé fait le bonheur. Et la recherche montre que le bonheur contribue à notre santé. Bonheur et santé sont donc fortement interdépendants. Ces questions s'avèrent importantes lorsqu'il convient d'aider une personne malade à changer ses habitudes de vie pour obtenir une santé future qui peut paraître aléatoire. Comme le dit l'étude ci-dessus, le bonheur peut être à la fois dans le présent et dans le futur.
Le bonheur dfféré n'est pas lié à un objectif mais à une intention, un but de vie ou une direction de vie. Le bonheur différé implique une distance et une temporalité entre le présent et l'atteinte du résultat dans le futur, avec le risque de ne pas l'atteindre et de sentiment d'échec. Une intention de vie est une direction dont les bénéfices peuvent être perçus dans le présent. Quand cette intetion présente dans ma tête est aussi incarnée, il est possible de ressentir dans le présent ce à quoi nous aspirons dans le futur. Et il n'y a donc plus de notion de risque d'échec ou d'anxiété.
Le bonheur dans le présent est lié à la réalisation quotidienne d'objectifs alignés avec l'intention de vie. Ces objectifs quotidiens représentent la réussite de la réalisation des changements d'habitudes de vie, ou des petiis plaisirs que l'on s'accorde. L'important est de pouvoir se coucher chaque soir avec le sentiment d'avoir fait quelque chose de bon pour soi et de s'en féliciter. Même si je dois mourir demain, je n'aurais pas eu le regret d'avoir manqué de boire une bonne bière avec un copain, d'avoir pris un bon bain, oublié de dire un je t'aime à un proche, ou d'avoir manqué un bon film. En fin de compte le bonheur consiste à se fixer des objectifs sources de plaisir à la fois pour le quotidien et à long terme (intention de vie), de se donner les moyens de les réaliser, et surtout de s'autoriser à les célébrer.
Sources
Is it better to be happy now, or happy later ?; By Emily Reynolds ;The British psychological Society 18 July 2023