Les personnes les plus extrêmes dans leur opposition à un consensus scientifique sont celles qui ont le plus confiance en leurs connaissances
La communauté scientifique a toujours misé sur l'éducation du public pour accroître l'adhésion au consensus scientifique. Une nouvelle étude de la Portland State University suggère pourquoi cette approche a donné des résultats si mitigés.
"L'opposition humaine au consensus scientifique est un sujet extrêmement important. Pendant de nombreuses années, des personnes intelligentes ont considéré que le bon moyen d'amener les gens à se rallier au consensus scientifique était de leur enseigner les connaissances qui leur manquaient", a déclaré Nick Light, "Malheureusement, les interventions éducatives n'ont pas très bien fonctionné".
La recherche de Light, intitulée "La surconfiance en matière de connaissances est associée à des opinions anti-consensuelles à propos des questions scientifiques controversées", a été publiée récemment dans Science Advances "Notre recherche suggère qu'un d'excès de confiance peut faire obstacle à l'apprentissage, car si les gens pensent qu'ils en savent beaucoup, leur motivation à apprendre devient minimale", déclare Light. "Les personnes ayant les attitudes anti-scientifiques les plus extrêmes pourraient d'abord avoir besoin d'apprendre sur leur ignorance relative concernant ces questions avant qu'on leur enseigne les spécificités des connaissances scientifiques établies."
Les auteurs de l'étude ont examiné les attitudes à l'égard de huit thèmes faisant l'objet d'un consensus scientifique et sur lesquelles des opinions anti-consensuelles persistent : le changement climatique, l'énergie nucléaire, les aliments génétiquement modifiés, le big bang, l'évolution, la vaccination, la médecine homéopathique et le COVID-19. Light déclare avoir constaté qu'en général, plus l'attitude des gens sur une question s'éloigne du consensus scientifique, plus les personnes croient savoir, alors que leurs réelles connaissances se réduisent. Prenez par exemple le cas des vaccins COVID-19. Moins une personne est d'accord avec le vaccin COVID-19, plus elle croit en savoir, mais ses connaissances réelles risquent d'être plus faibles.
"Les personnes les plus extrêmes dans leur opposition au consensus sont celles qui ont le plus confiance en leurs connaissances", a déclaré Light. "Nos résultats suggèrent que ce schéma est assez général. Cependant, nous ne les avons pas trouvés pour le changement climatique, l'évolution ou la théorie du big bang."
Les identifications à des positions politiques ou religieuses peuvent avoir une incidence sur cette tendance, a ajouté M. Light. "Pour le changement climatique, par exemple, les attitudes conformes à la science ont tendance à être le fait des libéraux, alors que pour une question comme les aliments génétiquement modifiés, les libéraux et les conservateurs ont tendance à être assez divisés dans leur soutien ou leur opposition", a-t-il déclaré. "Il se pourrait que, lorsque nous savons que nos groupes d'appartenance sont très attachés à une question, nous ne réfléchissions pas beaucoup à notre connaissance de la question."
Les conséquences de ces opinions anti-consensuelles concernent de nombreux domaines tels que la destruction de biens, la malnutrition, les difficultés financières et la mort. Les interventions éducatives visant à faire évoluer les points de vue peuvent ne pas fonctionner si les individus ne se font pas d'abord une idée précise de leur propre connaissance des complexités d'une question.
"Le défi consiste alors à trouver des moyens appropriés pour convaincre les personnes opposées au consensus qu'elles ne sont probablement pas aussi bien informées qu'elles le pensent", a déclaré M. Light.
L'une des possibilités évoquées par M. Light et ses coauteurs est de déplacer l'attention des connaissances individuelles vers l'influence des experts. Les normes sociales ont un pouvoir, en dépit des opinions personnelles. Par exemple au Japon, de nombreuses personnes portaient des masques réduisant la transmission du COVID-19 non pas pour atténuer le risque personnel, mais pour se conformer à une norme sociétale.
"Les individus ont tendance à faire ce qu'ils pensent que leur communauté attend d'eux", déclare M. Light. S'il n'est généralement pas recommandé de suivre aveuglément le consensus, et si des attitudes anti-consensus créent des situations dangereuses pour la communauté, "il incombe à la société d'essayer de faire évoluer les esprits en faveur du consensus scientifique".
Commentaires pour les coachs de santé
Je pense que les anti-scientifiques ne manqueront pas de déclarer que les résultats de cette étude sont nuls et ne démontrent rien, car pour eux il convient avant tout de valider leurs croyances pour rester cohérent avec eux-mêmes.
Demander aux individus anti-scientifiques d'aller écouter des experts scientifiques pour qu’ils changent d’avis me semble inefficace et contre-productif. C'est un peu comme demander à un communiste de s'intéresser aux arguments du capitaliste, ou un végétarien d'aller écouter les conseils d'un gros mangeur de viande ! Les anti-scientifiques se foutent royalement des preuves car ils accordent plus d’importance à leur opinions et surtout à leurs ressentis, qu’au faits. Comme ils ne sont pas prèts à changer d'avis, ils iront chercher leurs preuves sur Facebook plutôt que dans la littérature scientifique. Ce n'est certainement pas en disant au sceptique qu'il est un ignorant qu'on va l’aider à changer.
Alors comment aider une personne à changer de croyance .. du moins quand celle-ci est prête à faire preuve de flexibilité, et quand la croyance peut avoir des conséquences négatives pour elle-même et la communauté ? Alfred Korzybsky aurait dit : la carte n'est pas le territoire ! Le territoire est constitué des faits prouvés ou en attente de l'être, alors que la carte représente l'opinion (interprétations, valeurs et croyances, identification…) qu'on peut en avoir. Cette distinction est capitale pour conserver sa santé mentale. Chacun a heureusement le droit d’interpréter (sauf en Corée du Nord) les faits scientifiques, comme il le souhaite... tant qu'il ne met pas la vie des autres en danger.
Voici une démarche inspirée de Connirae Andreas, dont le principe est de « synchroniser puis guider » :
1) Reconnaître "la carte ou le modèle du monde" de chacun, sa légitimité à penser ce qu'il veut, et en rechercher l'intention positive (la ou les valeurs). "Si tu penses comme cela c'est que tu as de bonnes raisons de le faire, qu'elles sont ces raisons personnelles, qu'est-ce que cela t'apporte de croire à cela?"
2) Rechercher les exceptions à ses croyances : demander quelles sont les situations dans lesquelles elle pourrait interpréter différemment les données scientifiques, avec des interprétations en accord avec son intention positive (ses valeurs) ?
3) Demander également quels types de preuves la personne aurait besoin pour interpréter la situation de façon différente ?
3) Demander enfin quel niveau d'inconfort émotionnel la personne accepterait pour ajuster ses croyances ?
Pour ma part je suis globalement hostile aux médicaments… tant que je n'en ai pas vraiment besoin et que j’arrive à m’en passer
Les scientifiques ont bien souvent la croyance que les humains sont des mammifères 100% objectifs et que l'apport de preuves est susceptible de leur faire changer d'avis. Les scientifiques sont des humains comme tout le monde, avec des côtés très objectifs et d’autres très subjectifs. Des scientifiques ne jureront que par l'objectivité dans leur métier, et en même temps feront preuve d’une subjectivité la plus complète dans d'autres domaines de vie. Et c'est normal, car on peut être un scientifique et en même temps croire en un Dieu qui n'a pour l'instant pas fait la preuve de son existence. Je connaissais un généticien qui allait voir des sorciers pour soigner la drépanocytose génétique de son enfant. Ces deux positions ne sont aucunement incompatibles car elles n’ont pas les mêmes fonctions. La fonction du territoire est de fournir des « vérités », de faire preuve d’objectivité pour distinguer le vrai du faux. La fonction de la carte est de donner du sens et des interprétations utiles au faits, car la subjectivité aide les gens à vivre mieux. Ces positions ne sont pas incompatibles car de nombreuses hypothèses scientifiques sont venues d'expériences spirituelles des chercheurs.
Les scientifiques doivent aussi prendre leur part de responsabilité dans les mauvaises interprétations des faits scientifiques : ils n'expliquent pas assez ce qu'est une culture scientifique et les différences clés entre la science, la recherche et la démarche scientifique. Si la science concerne les vérités observables de la nature (la gravité, la circulation sanguine, l’existence des virus..), la recherche représente les tentatives de validation ou d'invalidation d'une hypothèse par une méthodologie qu'on appelle la démarche scientifique. Les résultats d’une seule étude restent insuffisants pour démontrer quelque chose. Il faut de nombreuses recherches sur un même thème pour aboutir à une "vérité scientifique provisoire" en attente d'être invalidée par des faits nouveaux. Il a fallu plusieurs dizaines de recherches pour démontrer « qu’à ce jour » la Cloroquine ou l’Ivermectine étaient inefficaces dans le covid 19. Enfin les scientifiques n’expliquent pas assez que le doute est un élément essentiel de la recherche scientifique, et que l'absence de consensus est la norme dans le monde scientifique. L’absence de consensus peut rassurer certains et inquiéter d’autres. Le doute vis-à-vis de ses connaissances personnelles (et pas de qui on est) est la clé de l'apprentissage permanent et de la réussite. Pour ma part si je ne continue pas à apprendre quelque chose de nouveau et d'utile chaque jour, je suis insatisfait. Ce soir ce sera l'occasion de découvrir une nouvelle marque de bière et de boire au mérite que vous avez à lire mes posts..
Sources
Overconfidence bolsters anti-scientific views, Katy Swordfisk, Medical Xpress JULY 21, 2022; https://phys.org/news/2022-07-overconfidence-bolsters-anti-scientific-views.html?utm_source=nwletter&utm_medium=email&utm_campaign=weekly-nwletter
Knowledge overconfidence is associated with anti-consensus views on controversial scientific issues, Nicholas Light et al, Science Advances (2022). DOI: 10.1126/sciadv.abo0038https://phys.org/news/2022-07-overconfidence-bolsters-anti-scientific-views.html?utm_source=nwletter&utm_medium=email&utm_campaign=weekly-nwletter