Les croyances positives sur l'âge protègent contre la démence, même chez les personnes âgées porteuses d'un gène à haut risque
La peur d’être atteint de la maladie d'Alzheimer peut être très forte, d'autant plus forte que certaines personnes ont des parents touchés par cette pathologie, et que celle-ci génère un fort sentiment d'impuissance (1). Il y a environ 850 000 personnes en France atteinte de la maladie d'Alzheimer et sa prévalence augmente du fait de l'allongement de l'espérance de vie. Quand le diagnostic Alzheimer tombe, la première chose est probablement de lutter rapidement contre la peur et une angoisse qui est injustifiée comme nous allons le voir, puis de changer ses croyances négatives vis à vis de l’évolution de la maladie, et aussi d’agir sur les facteurs de risque qui augmentent la probabilité de survenue de la démence
Les résultats de l’étude de Levy BR (2) et ses collaborateurs apportent des éclairages intéressants sur l’impact des croyances positives sur le vieillissement dans la prévention de la maladie d'Alzheimer. Le fait d'avoir des sentiments positifs à l'égard de la vieillesse peut réduire de 50 % le risque de développer une démence. L'étude montre que les personnes âgées les plus à risque de développer la maladie, c’est-à-dire celles porteuses du gène APOE-E4, étaient moins susceptibles de développer la maladie si elles avaient des croyances positives sur le vieillissement.
"Nous avons constaté que des croyances positives sur la vieillesse peuvent réduire le risque de l'un des facteurs de risque génétiques les plus connus de la démence", a déclaré l'auteur principal, Becca Levy, professeur de santé publique et de psychologie à Yale. "Cela plaide pour la mise en œuvre d'une campagne de santé publique contre l'âgisme, qui est une source de croyances négatives sur l'âge".
Si près d’un quart de la population est porteur du gène APOE-E4, moins de la moitié des personnes porteuses du gène seront atteintes de la maladie d'Alzheimer. Plusieurs études antérieures avaient suggéré que des croyances positives sur le vieillissement pouvaient avoir des avantages cognitifs, et les chercheurs ont cherché à en savoir plus sur la possibilité que vos croyances sur le vieillissement puissent jouer un rôle protecteur contre l'apparition de la démence.
Une croyance positive vis-à-vis du vieillissement réduit de 49.8% le risque de développer une démence
L’étude (1) a examiné 4 765 hommes et femmes âgés de 72 ans en moyenne, qui faisaient partie d'une vaste étude en cours appelée "Health and Retirement study". Tous étaient exempts de la maladie d'Alzheimer ou d'autres formes de démence au début de l'étude. Les participants ont subi un test salivaire pour déterminer s'ils étaient porteurs du gène APOE-E4. Environ 26 % d'entre eux étaient porteurs de ce gène, dont 7 % de avaient deux copies d’ApoE4 (E4/E4) ce qui augmente considérablement le risque de maladie d'Alzheimer (risque multiplié par 9 à 13 fois environ, chez 1% de la population générale)
Les participants ont également répondu à une série de questions sur leur perception du vieillissement, en se classant sur une échelle allant de "tout à fait d'accord" à "pas du tout d'accord" pour des affirmations telles que : "Les choses empirent avec l'âge", "J'ai autant de peps que l'année dernière", "Plus je vieillis, plus je me sens inutile"., "Je suis aussi heureux maintenant que lorsque j'étais plus jeune"., "En vieillissant, les choses sont meilleures que je ne le pensais".
Les participants à l'étude ont été suivis pendant quatre ans pour déterminer s'ils développaient la maladie d'Alzheimer ou d'autres formes de démence.
Les résultats montrent que les porteurs de l'APOE-E4 ayant les croyances les plus positives vis-à-vis de l’âge ont un risque réduit de 49.8% de développer une démence par rapport à celles ayant une opinion négative. Au cours des quatre années de l'étude, les porteurs du gène APOE-E4 qui avaient des croyances positives sur le vieillissement avaient un risque de 2,7 % de développer une démence. En comparaison, le risque était de 6,1 % chez ceux qui avaient des croyances négatives sur le vieillissement. Les croyances positives sur le vieillissement semblaient également protéger les personnes non porteuses du gène APOE-E4.
Les chercheurs notent que les croyances négatives sur le vieillissement peuvent contribuer au stress, et que des niveaux élevés de stress peuvent contribuer au développement de la démence. Les croyances positives sur le vieillissement, en revanche, peuvent contribuer à atténuer les effets néfastes du stress. Les personnes ayant des attitudes positives sont également plus susceptibles de socialisation et de pratiquer des activités physiques, ce qui est également lié à un risque moindre de développer la maladie d'Alzheimer.
Les chercheurs notent que nous intériorisons des croyances sur le vieillissement à un jeune âge et que nous les conservons tout au long de notre vie, et aussi que ces croyances peuvent être modifiées grâce à la thérapie cognitivo-comportementale et à d'autres techniques. Ils concluent que les résultats de l'étude "pourraient servir de base à des stratégies de médecine personnalisée visant à améliorer la santé cognitive en identifiant les personnes qui présentent un risque plus élevé de développer une démence, comme l'indiquent les croyances liées à l'âge, puis en renforçant les croyances positives liées à l'âge par une intervention".
Modifier les styles de vie pour atténuer les facteurs de risque
Un autre document important en matière de prévention de la maladie d'Alzheimer est le rapport du Haut Conseil de la Santé Publique (3) selon lequel les facteurs de risque qui augmentent la probabilité de survenue de la démence sont :
- la présence de facteurs de risque cardiovasculaires aux « âges médians de vie » (40-60 ans) : hypertension artérielle, diabète, et, avec un plus faible niveau de preuve, le tabac, l’hypercholestérolémie, l’obésité ou l’athérosclérose ;
- la consommation de benzodiazépines, de médicaments à visée anticholinergique chez les personnes âgées (à partir de 65 ans) ;
- de manière moins étayée ou plus controversée : la dépression, les troubles auditifs, l’hypovitaminose D,
- la vie dans un quartier défavorisé ou l’appartenance à un groupe socialement vulnérable.
Les facteurs protecteurs, c’est-à-dire associés à une réduction du risque de survenue d’une démence, classés du plus au moins étayé, sont :
- un niveau d’éducation plus élevé permettant une réserve cognitive plus importante, et probablement une meilleure connaissance du système de santé et un meilleur accès aux soins ;
- le régime dit méditerranéen, les aliments riches en acides gras poly-insaturés omega-3 ;
- l’activité physique ; les activités sociales et de loisirs.
Une nouvelle étude (4) portant sur 650000 vétérans US suivis pendant 9 ans établit un lien entre l'aptitude cardiorespiratoire des personnes âgées et la diminution du risque de développer la maladie d'Alzheimer. Les personnes âgées ayant une bonne condition physique cardiorespiratoire ont un risque réduit de 33 % de développer la maladie d'Alzheimer. "L'idée que vous puissiez réduire votre risque de maladie d'Alzheimer en augmentant simplement votre activité physique est très prometteuse, d'autant plus qu'il n'existe aucun traitement adéquat pour prévenir ou arrêter la progression de la maladie", a déclaré l'auteur de l'étude. "Nous espérons développer une échelle simple qui peut être individualisée afin que les gens puissent voir les avantages que même des améliorations progressives de la forme physique peuvent apporter."
Commentaires pour les coachs de santé
Ce qu’il faut surtout retenir c’est qu’il n’y a pas de fatalité vis à vis de l’évolution d’une maladie souvent perçue comme effrayante du fait de l’absence de réels traitements. Un diagnostic de démence ne signifie aucunement la fin de votre histoire. Il est vrai que les maladies neuro-dégénératives échappent encore largement aux formidables avancées de la recherche médicale. Du fait de ses atteintes cérébrales, et de la large médiatisation dont elle fait l’objet, la maladie d'Alzheimer suscite les peurs les plus intenses, en particulier celle de perdre sa dignité d’être humain. Les travaux ci-dessus montrent cependant que malgré l’absence de traitements spécifiques, nous disposons tous d’un réel pouvoir sur la prévention ou l’évolution de la maladie. Si nous savons que les plaques d'amyloide et les enchevêtrements cérébraux sont corrélés à la maladie dAlzheimer, elles n’en sont pas l’unique cause puisque des personnes présentent des plaques amyloides mais sans aucun symptôme.
Au-delà des changements de style de vie recommandés pouvant atténuer l’impact des facteurs de risque et accroitre les facteurs protecteurs, le changement d’attitude vis-à-vis du vieillissement peut réduire de 50 % les risques de développer une démence, chez ceux qui sont le plus à risque de développer la maladie d'Alzheimer. L'étude montre que votre façon d’aborder la maladie d’Alzheimer fait donc une grande une différence. L’impact des croyances sur l’évolution de la maladie est considérable et mérite d’être abordé le plus tôt possible, de façon personnalisée, par des approches cognitives, comme le recommande les auteurs de l’étude.
Les croyances vis-à-vis du vieillissement, peuvent être conscientes ou parfois inconscientes. C’est la raison pour laquelle un « audit des croyances » selon le modèle de Robert Dilts est souvent utile. Cet audit consiste à définir de façon sensorielle (ou incarnée) ce que serait un vieillissement idéal, puis à évaluer les croyances qui pourraient y faire obstacle. L’évaluation des croyances porte sur : 1) l’importance d’obtenir ce vieillissement idéal, 2) la possibilité d’obtenir ce résultat, 3) l’efficacité et la pertinence des comportements adoptés pour obtenir le résultat souhaité, 4) le degré de confiance en soi pour mettre en œuvre les comportements appropriés et obtenir le résultat souhaité (le vieillissement idéal), 5) le mérite qu’on s’accorde et son niveau de responsabilité dans l’obtention du résultat souhaité. Une croyance se transforme en définissant sa fonction positive et en trouvant des ressources permettant de l’actualiser. Le changement de croyance sera également nécessaire dans l'accompagnement aux changements de styles de vie. Le changement de croyance est en effet une démarche extrêmement personnalisée dans laquelle la relation de confiance joue un rôle majeur. Compte tenu du vieillissement de la population, la prévalence de la maladie d'Alzheimer augmente, ce qui signifie que les besoins en matière d’accompagnement des personnes à risques sont considérables (1% de la population). Il reste à convaincre ces personnes à risque à utiliser leur pouvoir sur leur propre santé. Les coachs de santé qui veulent s’investir dans ce domaine auront certainement de belles satisfactions à savourer. En conclusion il convient de faire un tri dans ce qu'on modélise de nos parents.
Sources
(1) Docteur, j'ai peur d'avoir Alzheimer. Notre mémoire peut avoir des ratés. Mais le "trou de mémoire" est souvent un trouble banal. Par Pascale Santi Le Monde Publié le 19 mai 2009
(2) Levy BR et al. Positive age beliefs protect against dementia even among elders with high-risk gene. PLoS ONE 13(2): e0191004. 7 février 2018.
(3) Le rapport du Haut Conseil de la Santé Publique : facteurs de risque, facteurs de protection ; Décembre 2017. www.hcsp.fr/Explore.cgi/Telecharger?NomFichier=hcspr20171222_prvedelamaladalzhetdesmalaappa.pdf.
(4) Physical Fitness Linked to Lower Risk of Alzheimer’s Disease Neuroscience News ·February 28, 2022