La synchonisation des mouvements favorise la cohésion des groupes en faisant passer notre pensée du "moi" au "nous".
Les "liens musculaires", un terme inventé par le vétéran et historien William McNeill, décrit comment les individus engagés dans un mouvement synchrone éprouvent souvent des sentiments d'euphorie et de connexion au groupe.
Les psychologues ont proposé que le lien musculaire, ou l'exercice entre personnes, était un mode d'adaptation au groupe qui a aidé les premiers groupes humains à surpasser d'autres groupes.
Si le lien musculaire peut favoriser la cohésion des groupes, il peut cependant avoir un coût. Les êtres humains ont tendance à se déplacer ensembles. Des cultures anciennes dansant autour d'un feu de camp, aux armées modernes marchant au pas de course, le mouvement synchronisé émerge souvent du groupe, même lorsqu'il n'y a pas d'avantage évident. Mais pourquoi ?
Dans son livre de 1995 "Keeping Together in Time : Dance and Drill in Human History", l'historien et vétéran William McNeill se souvient des sentiments étranges et euphoriques qu'il éprouait en participant à des exercices militaires dans sa jeunesse : "Marcher sans but sur le terrain d'exercice, se pavaner conformément aux postures militaires prescrites, conscient seulement de rester au pas afin de faire le prochain mouvement correctement et à temps lui faisait en quelque sorte du bien".
McNeill notait que les exercices militaires semblent totalement "inutiles" dans le contexte moderne. Après tout, les soldats ne s'organisent plus en colonnes serrées pour se tirer dessus avec leurs mousquets". Pourtant, les exercices incessants sont restés un élément fondamental de la culture militaire. Pour McNeill, les exercices militaires ne servent pas qu'à forcer les soldats à se conformer aux règles. Il appele cela "l'attachement musculaire". Ce terme décrit comment les individus engagés dans un mouvement synchrone éprouvent des sentiments d'euphorie et de connexion au groupe.
Ce phénomène, selon McNeill, est "bien plus ancien que le langage et d'une importance capitale dans l'histoire de l'humanité, car l'émotion qu'il suscite constitue une base indéfiniment extensible et durable dans le temps de cohésion sociale entre tout membres d'un groupe".
Depuis la première desciption du lien musculaire par McNeill, les chercheurs ont tenté de mieux comprendre le phénomène et la façon dont il affecte la dynamique de groupe. Dans le livre "The Righteous Mind : Why Good People Are Divided by Politics and Religion", le psychologue social Jonathan Haidt a proposé une hypothèse audacieuse : le lien musculaire sert de "commutateur" qui, lorsqu'il est activé, aide les individus à transcender l'égoïsme pour agir dans l'intérêt de leur groupe.
Pour illustrer cette idée, Haidt déclarait que les humains sont un peu comme les chimpanzés (intéressés par eux-mêmes) et un peu comme les abeilles (intéressés par le groupe, existant pour soutenir la ruche). Il a présenté les liens musculaires comme un "interrupteur de ruche" qui nous éloigne du comportement de chimpanzé pour nous rapprocher de celui des abeilles. Cette capacité à "se perdre (temporairement et avec extase)" expliquerait pourquoi les individus, dans de bonnes conditions, peuvent se rassembler avec une mentalité de mousquetaires "tous pour un, un pour tous". Cette capacité pourrait expliquer pourquoi certains soldats se sacrifient au combat pour le groupe.
Au cours des deux dernières décennies, les psychologues ont mené diverses expériences sur les liens musculaires, également appelés entraînement interpersonnel. Ces études ont généralement porté sur des groupes de personnes pratiquant des activités physiques (ou simplement les imaginant) de manière synchrone ou asynchrone, puis jouant à des jeux économiques les uns avec les autres, ou évaluant à quel point ils aiment ou font confiance aux personnes avec lesquelles ils se sont entraînés.
Un examen de la recherche sur l'entraînement interpersonnel (EIP) réalisé en 2019 a montré que les personnes déclarent généralement des niveaux plus élevés de désindividualisation après s'être engagés dans l'EIP. En d'autres termes, ils se considèrent davantage comme un membre du groupe que comme un individu. De plus, certaines études suggèrent que l'entraînement interpersonnel peut également augmenter les performances dans les domaines de la mémoire, de l'attention et du mouvement physique.
Ensemble, ces recherches suggèrent que les liens musculaires aident les individus à former des groupes cohérents et efficaces. Il est facile d'envisager la facilitation de l'adaptation du groupe dans l'évolution humaine : La tribu la plus apte à progresser ensemble vers des objectifs communs est susceptible de dépasser les tribus moins cohérentes. Ensuite, les membres d'un groupe qui réussit transmettent des traits génétiques, ce qui rend les générations futures plus susceptibles d'adopter les mêmes types de comportements cohérents.
Mais les liens musculaires peuvent aussi avoir un côté sombre. C'est ce qu'ont constaté les auteurs de l'étude de 2019 : "Se perdre dans la foule peut conduire à des comportements qui ne font pas partie des codes éthiques et des valeurs morales d'un individu (par exemple, des actes agressifs envers les membres d'autres groupes). Cela vient du fait qu'agir au profit de son groupe signifie généralement agir contre les intérêts de groupes adversaires". On peut se demander comment la société moderne et urbanisée peut passer à côté des avantages anciens du lien musculaire, surtout à une époque où les enquêtes montrent que la dépression, l'anxiété et la solitude augmentent.
"Le lien musculaire est et a toujours été une force puissante à l'œuvre au sein de l'humanité, que ce soit pour le bien ou pour le mal", écrit M. McNeill. "Notre avenir, comme notre passé, dépend de la façon dont nous utilisons ces modes de coordination de l'effort commun à des fins convenues".
Commentaires pour les coachs de santé
Cette étude apporte un crédit scientifique au principe PNL de la synchronisation pour favoriser une qualité de relation, un niveau de confiance. Pour les sociologues la synchronisation favorise la cohésion sociale entre individus. La synchronisation comportementale est un processus cognitif social très adaptatif, essentiel à la survie des membres d’un groupe. Chez les humains, l’affiliation est associée à un haut degré de synchronisation que l'on retrouve dans les rites religieux, sociaux, sportifs...et d'entrepriseetc; Et inversement, les humains montrent une affiliation accrue envers les personnes qui se synchronisent avec eux.
Sources
How Moving Together Binds Us Together: The Social Consequences of Interpersonal Entrainment and Group Processes; Liam Cross; Martine Turgeon, and Gray Atherton; Open Psychology Volume 1: Issue 1